Un grand salon vide, parcouru de poutres du sol au plafond donne une impression d’enfermement. Et la jeune femme, vêtue de blanc, ressemble plus à une hirondelle en cage qu’une véritable menace.

Elle m’invite à la suivre, me dit de ne pas m’inquiéter et me prend la main calmement. Au fur et à mesure que je m’enfonce dans sa cage, la métaphore se creuse et se confirme. Un lit posé par terre dans le fond et une simple table Avec dessus mon téléphone habillent la pièce . L’appartement semble être transpercé de ces poutres et accentue le charme du logis. Elle me propose de picorer quelques chips.
Le problème avec le silence, c’est qu’il ne répond à rien. Et quand je le brise pour lui demander de m’expliquer sa mascarade, elle me répondit sèchement de prendre mon portable, qu’elle s’excusait mais que je pouvais partir. La réponse est non, j’ai eu un goût de mystère toute la journée, était ce une curiosité malsaine, ou une envie d’échapper à mon quotidien ?
En tout cas maintenant que ce goût de mystère est là, il me faut des réponses. Et tout est sorti. Est ce que c’était lié aux évènements de l’hôpital , pourquoi avait elle fait cela, avait elle besoin d’aide ?
Je prends un temps, m’arrête une seconde et me rend compte que je commençais doucement à devenir incohérent et en recherche de réponses.. Qu’il n’y avait sûrement pas.
Elle ne me regarde même plus mais répète en boucle qu’elle est désolée, qu’il faut qu’elle sorte, que je dois partir.
En retournant à ma voiture, je me convins qu’elle avait sûrement du avoir une urgence, qu’elle avait volé un téléphone , elle n’avait peut être pas d’autres choix. Mais quel hasard, malgré tout, tout cela dans une seule journée. Bon, je suis en vie, avec mon téléphone, je peux quand même voir quel numéro elle a appelé, juste pour en avoir le coeur net.
Un numéro que je ne connais pas. Je rappelle . Il ne répond pas, je laisse un texto.
Il se fait tard, rentrons

. La nuit est très reposante, le bruit est lointain, il ya peu de personnes, on se sent libre. Etant très sensible à la lumière, j’évite de trop sortir la journée, la lumière est agressive, je suis ébloui au moindre éveil solaire. Je repasserais voir la fille plus tard. Au moins m’assurer que tout va bien. J’en profiterais pour retourner à l’hôpital.

Mon colloc est dans le salon. Il souligne la rapidité de mon aller-retour et s’assure que tout va bien. On a reçu un coup de fil du commissariat pendant mon absence et je suis convoqué demain pour répondre à leurs questions, une journée de gâchée, mais bon, la vie de quelqu’un est en jeu. Je l’avais presque oublié, le mec de l’hosto.

Entre nous, outre la flagrante prise de niveau à FIFA de mon colloc’, ces 2 derniers mois ont été hyper vides, l’après-rupture est toujours un peu compliqué, et ça me faisait du bien de penser à autre chose malgré tout. Même si j’avais réussi à me créer une sorte de mystère paranoÏaque, ça m’avait inspiré. Je me décide d’aller coucher cette histoire sur papier, l’histoire inventée bien sûr. Et désolé, mais elle a tous les éléments qu’une véritable enquête peut contenir : crime, mystère et pour finir arrestation. Je n’avais plus qu’à broder. Et j’ai brodé, brodé jusqu’au petit matin, brodé jusqu’à ce que les éboueurs passent devant chez moi avec leur camion en se lançant quelques blagues, inaudibles de là où je me trouve. Me trainant jusqu’à mon lit, je m’endors tranquillement en écoutant s’en aller les blagueurs matinaux.

Réveil compliqué, en retard au commissariat, 4 appels en absence, 15 heures, il faut bouger. Le commissariat m’attend, l’hôpital aussi, et je veux absolument retourner voir cette fille.

Arrivé chez les flics, et à ma grande surprise , on me demande de venir directement dans un bureau, j’ai le droit à un traitement VIP. Un bureau bondé, une policière le vida d’un ordre et tout le monde quitta la pièce, l’air sérieux. La policière est un peu forte, elle dégage une autorité, elle a bien choisi sa voie. Elle me questionna sur ce que je savais de la personne à l’hôpital, qu’ils ne l’avaient toujours pas identifié, qu’il était dans un sale état et qu’il ne pouvait pas encore parler. Je raconte tout en détail, elle prend minutieusement en note chaque parole sur son ordinateur, ne pouvant l’aider plus, elle me congédie calmement.

J’allume une cigarette, j’ai encore le temps d’aller à l’hôpital. Au moment où j’arrive au niveau de ma voiture, la flic m’interpelle du bout de la rue, en courant, me demandant de la suivre, en sueur et un peu essoufflée. La jeune fille avait été retrouvée, morte. Elle se serait suicidée à son domicile, et mon numéro de téléphone était ressorti.

Je ne sais pas bien comment expliquer le sentiment que provoque la brusque prise de conscience d’être le lien entre deux affaires policières. En tout cas mon instinct est très clair il semble me dire : bonne chance.