Le principe du found footage est devenu tellement utilisé qu’il est impossible que vous soyez passé à côté. Sa base est simple : le film, au lieu de recourir à des caméras externes au monde du film, adopte le point de vue de caméras internes afin de jouer sur une certaine forme de réalisme (parfois) et dans un but de rentabilité rapide au vu du budget moindre alloué à ce genre d’œuvres (souvent). Ici, nous allons aborder un film utilisant ce format de manière utile avec  Cloverfield  de Matt Reeves.

Alors qu’ils fêtent le départ de l’un d’entre eux au Japon, une bande d’amis se retrouve en pleine catastrophe à New York. Tandis que la menace s’avère de source inconnue, ils vont devoir essayer de quitter Big Apple afin de survivre.

Le témoin catastrophe

Cloverfield fait partie des piliers du genre du found footage, étant sorti lors du renouveau de ce format avec  Rec  et  Paranormal Activity . Mais au contraire de ses deux camarades, il prend une tournure science-fictionnelle mais surtout plus massive dans sa représentation (la destruction de New York par une entité extraterrestre par rapport à la plongée dans un immeuble isolé et l’intimité d’un couple). L’ampleur est ainsi énorme et l’on se retrouve plongé dans le chaos avec nos protagonistes, présentés simplement mais efficacement lors du début de l’intrigue.

Le fait d’utiliser le found footage est un choix pertinent ici pour  Cloverfield . En effet, il est symptomatique de l’influence des attentats du 11 septembre dans la culture américaine. Ainsi, les œuvres ayant joué de cette imagerie sont légion mais le film de Matt Reeves décide d’aborder cela par le biais de la caméra témoin, telle celle ayant filmé les avions chutant sur les World Trade Center. Chaque catastrophe, terroriste ou non, est désormais trouvable par le biais d’images amateurs au cœur de l’action. Il y a ce rapport à l’image hors de l’ordinaire replacée ici dans un contexte de départ irréaliste mais crédible par les réactions des personnages (« c’est encore une attaque terroriste ? ») et l’imagerie même (les destructions de bâtiments, les soldats attaquant en pleine rue).

La caméra substitut humain

La représentation même pose question sur l’imagerie même du cinéma. En effet, certains témoins d’événements disent souvent que filmer leur a permis de se « sortir » de ce qu’ils étaient en train de vivre. C’est même quelque chose de récurrent dans le found footage : filmer devient un moyen important de survivre, notamment par le biais des films retrouvés, témoignages des choses vécues. La survie, mise à mal physiquement par les mésaventures subies, passe de manière permanente sur le film, et ce même si lâcher la caméra aurait été préférable par instants pour éviter des dommages. C’est exactement le cas ici dans  Cloverfield , avec une retranscription d’une histoire catastrophique d’un point de vue humain.

Par le biais d’une révélation extrêmement subtile (et que beaucoup ont ratée au vu de sa discrétion ne passant que par l’arrière-plan), on comprend néanmoins que la survie de ces images n’est pas due à ce regard de personnalités « normales » mais pour documenter l’origine du désastre. Ainsi, les souvenirs qui sont gardés sont souvent ceux essentiels à l’Histoire et à l’être humain pour comprendre les erreurs passées et essayer d’éviter toute catastrophe future. Mais comment le faire si on en oublie le facteur le plus essentiel : l’être humain même ?

Au final,  Cloverfield  est un found footage catastrophe qui, sous ses atours de divertissement, permet une réflexion sur l’importance de l’image dans notre société actuelle tout en tendant un miroir face à un pays profondément marqué par un attentat qui s’était produit au moment de la sortie 7 ans auparavant. Et quand le réel et la fiction se mélangent avec autant de réussite dans un long métrage « grand public », cela rend l’œuvre d’autant plus grisante et attachante, malgré ses quelques défauts.