L’histoire se répète encore et toujours et devrait servir d’avertissement définitif, et pourtant, je continue à me faire avoir. A force de voir et revoir une bande-annonce, l’effet de surprise s’étiole, la poésie se change en mièvrerie et les répliques perdent de leur tranchant. Complètement convaincu par le ton décalé du trailer d’Adieu les cons, je ne me suis pas privé de le regarder encore et encore, peut-être à l’excès. Résultat, le rythme du film de 1h30 est loin d’être aussi trépidant que la minute 30 secondes de bande annonce, le ton faussement naïf des dialogues navigue entre bienveillance et nonchalance, et l’ennui guette. Adieu les cons est finalement un film à l’ampleur somme toute limitée, et c’est bien dommage. Et la razzia aux derniers César 2021 n’y change rien, l’académie est souvent en retard d’un train et aurait mieux fait de plébisciter Au revoir là-haut à l’époque, qu’ils avaient bien ignoré à l’époque. Aveu de faiblesse?

Un film paresseux?

Commençons avec les personnages principaux. Albert Dupontel est un cadre supérieur asocial, renfermé et désavoué par sa hiérarchie. Résultat, il veut mettre fin à ses jours, procédé un peu excessif il faut bien l’admettre. Virginie Efira est une femme condamnée par la maladie, à la recherche de son fils abandonné à la naissance sous le poids des injonctions familiales. Les personnages souffrent d’une société qui les opprime sans jamais dire pardon ou désolé. Le principe est charmant, il entraine une empathie immédiate pour des personnages paumés dans la jungle du capitalisme moderne, trop sensible pour parvenir à jouer avec les codes et pas assez décidés pour ruer dans les brancards. Et c’est parti pour une rencontre impromptue entre les deux personnages, avec son lot de péripéties caustiques et souvent acides contre les grands principes de la société consumériste. La compétition effrénée avec son lot de laissés pour compte, la consommation omniprésente au risque de s’entourer d’un tas de choses inutiles, et puis les liens humains finalement distendus. Impossible de ne pas être touché par les intentions du réalisateur, c’est louable, c’est décalé, c’est Dupontel. Sauf que la comédienne Virginie Efira a du mal à faire passer son enthousiasme (comme souvent au cinéma) et que le rythme du film est désespérément plat, enchainant les scènes sans vraiment de liant au-delà de son concept de base. Si Au Revoir Là-haut réussissait à surprendre tout du long grâce à son dynamisme continu et ses impressionnantes accélérations (mais c’était l’adaptation du chef d’oeuvre littéraire de Pierre Lemaitre), Adieu les cons préfère y aller mollo, tout en retenue, au risque d’en lâcher certains en route. Les personnages limités parviennent à toucher et émouvoir mais guère plus. Le réalisme est bel et bien présent, la face abracadabrantesque du film tient dans cet enchainement de péripéties et de rencontres décalées. Le second degré est remplacé par une naïveté constante qui en touchera certains mais en agacera d’autres. Albert Dupontel va au bout de son concept avec une fin tirée par les cheveux, là aussi touchante ou agaçante au choix. Le ton reste constamment sur la même ligne avec le même ton, sans vraiment d’emballement. Le montage est direct mais répétitif et seule la Mano Negra avec son éternel Mala Vida apporte son surplus d’énergie. Les rôles secondaires concourent à cette nonchalance généralisée où rien ne dépasse. Et le réalisateur a visiblement pioché pas mal dans les effets signés Amélie Poulain, pourquoi pas mais évidemment pas innovant pour un sou. Si l’objectif est de susciter l’empathie avec deux personnages obligés de se battre contre le système pour exister, c’est louable mais ça ne surprend définitivement pas.

Adieu les cons est un film qui divise plus que ce que la belle unanimité de façade de la presse hexagonale peut laisser penser. Ce qui laisse le champ des possible assez largement ouvert, à vous de vous faire votre propre opinion.

Synopsis: Lorsque Suze Trappet apprend à 43 ans qu’elle est sérieusement malade, elle décide de partir à la recherche de l’enfant qu’elle a été forcée d’abandonner quand elle avait 15 ans. Sa quête administrative va lui faire croiser JB, quinquagénaire en plein burn out, et M. Blin, archiviste aveugle d’un enthousiasme impressionnant. À eux trois, ils se lancent dans une quête aussi spectaculaire qu’improbable.