Critique : Dans le domaine de la comédie américaine, Preston Sturges constitue peut-être l’un des maîtres en la matière. Il faut dire que l’homme a l’écriture habile, aussi fine que maline, et n’hésitant pas à verser dans le subtilement acide par ses scénarios. Jouant de structures de base toujours passionnantes, ses films ont ce sel presque intemporel, une force de traitement qui fait que le rire reste aussi présent et éclatant avec les années. La sortie chez Elephant Films de son premier long-métrage en tant que réalisateur, « Gouverneur malgré lui », impose alors une redécouverte nécessaire d’une carrière de haute tenue.

Les premières minutes du film, annonçant une narration dans le passé, amènent déjà l’idée d’une certaine amertume de fond dans l’humour, faisant que celui-ci existe dans un réel avec ses difficultés. Celles-ci sont évidemment financières au vu de l’époque mais également morales par la façon dont s’imposent les escroqueries politiques avec manipulation de classes inférieures. La manière que prend alors le récit pour dévier vers quelque chose de plus idéaliste se révèle alors passionnante et étrangement moderne, relevant d’une moralité de façade qui cherche néanmoins à se matérialiser chez notre héros.

Dès lors, l’enjeu de la narration sera cette opposition entre les impositions idéologiques et le besoin d’une honnêteté politique, un concept qui n’est jamais ici naïf mais vient d’un idéal auquel on ne peut qu’espérer sans le voir prendre vie. Preston Sturges apporte alors une analyse morale passionnante tout en développant ses personnages avec un humanisme confronté au cynisme qui écrase tout le monde. Cette lutte confère un certain cœur, une forme de beauté touchante qui fait de l’analyse critique une approche sentimentalement forte.

Drôle à souhait tout en étant contemporain dans son regard, « Gouverneur malgré lui » s’avère une excellente comédie américaine d’antan ainsi qu’une belle porte d’entrée pour le cinéma si drôle et si juste de Preston Sturges tant il englobe déjà nombre de ses réflexions thématiques. Si vous n’avez jamais eu l’occasion de voir un film de ce maître de l’humour finement acide, voilà votre chance !

Résumé : Un patron corrompu réussit, par des moyens frauduleux, à faire d’un vagabond demeuré un gouverneur d’État.