Critique : S’il y a bien un aspect par lequel se distingue la carrière de Damiano Damiani, c’est l’éclectisme de sa filmographie. Multipliant les genres populaires, le réalisateur italien a pu se diversifier tonalement, même dans un aspect plus policier. C’est en tout cas ce que l’on constate avec la sortie chez Artus de cette trilogie axée entre autre sur la notion de justice. En effet, « Comment tuer un juge », « Nous sommes tous en liberté provisoire » et « Goodbye & Amen » se révèlent vite très différents les uns des autres dans leur forme, tout en partageant un regard acéré dans leur fond.

C’est peut-être le premier des titres à être sorti, « Nous sommes tous en liberté provisoire », datant de 1970, qui s’avère le plus intéressant directement. Il faut dire que ce film de prison se charge bien politiquement de son contexte de sortie tout en profitant d’un Franco Nero passionnant par son personnage banal balancé en plein milieu d’un certain chaos régularisé, annonçant sa prestation 4 ans plus tard dans « Un citoyen se rebelle ». La charge est frontale, la prison représentant toute la corruption sociale attaquée par son réalisateur ici compressée dans un décorum plus étouffant encore et appuyant en son sein un dérèglement certain et pourri, le tout jusque dans une conclusion touchante de cruauté subtile.

Le second titre, « Comment tuer un juge », reprend Franco Nero en tant que réalisateur devenant enquêteur par la force des choses suite à une vague de meurtres. Le pamphlet anti-mafia, que l’on peut raccrocher à d’autres œuvres du metteur en scène, est appuyé et renforce l’idée d’une désagrégation totale du pouvoir et de la justice. La position de notre personnage principal s’avère intéressante par son statut de metteur en scène captant cet univers sans avoir un réel impact sur celui-ci. La colère de ton se ressent dès lors et en fait un film policier bien troussé.

Enfin, « Goodbye & Amen » s’oriente plus vers le thriller par son statut de départ, se raccrochant à de l’espionnage international. La mondialisation des enjeux avec la présence de la CIA n’est clairement pas anodine et étoffe le récit qui aime à surprendre régulièrement son audience. La paranoïa de l’intrigue prend alors le pas sur le spectateur au vu de l’incertitude constante en son cœur et rend ce film hautement passionnant, tout en restant animé par la colère de Damiano Damiani.

Ce dernier est donc hautement mis en valeur avec ce coffret édité par Artus, que ce soit par le master 2K de chaque titre, le riche livret de 100 pages rédigé par Emmanuel Le Gagne ou tout simplement la qualité des trois films présentés ici. On (re)découvre alors un réalisateur dirigé par une ferveur sociale, un besoin de dénonciation de la corruption ainsi que par une certaine amertume envers les rouages du pouvoir.

Résumés : Réalisateur de près de 40 films, Damiano Damiani demeure le cinéaste qui a su œuvrer dans les genres populaires tout en conservant sa notoriété d’auteur. Western, thriller, polar, film de mafia… Il a su donner leurs lettres de noblesse à ces genres à succès. S’il existe un trait d’union en cinéma Bis et films d’auteur, c’est bien Damiano Damiani ! Alors que « Nous sommes tous en liberté provisoire » raconte la plongée d’un jeune architecte dans l’univers carcéral, « Comment tuer un juge » dépeint l’enquête d’un cinéaste pour déjouer un complot fomenté contre un juge, et « Goodbye & Amen » narre la tentative d’un agent de la CIA à renverser un gouvernement africain alors qu’un tueur tient deux otages dans un hôtel de luxe.