Le film russe Une grande fille brille par sa confidentialité ainsi que par son traitement hyper classique. Dans le contexte de l’après Seconde Guerre Mondiale, deux jeunes filles Iya et Masha font face aux drames du quotidien dans un Leningrad scarifié. Motivé par une très bonne bande annonce, je me suis laissé tenté par un visionnage et j’en suis heureux tant le film manie une sincérité touchante dans un contexte éminemment réaliste. Le film plonge dans une époque pas si lointaine où les enjeux du quotidien tenaient autant de la vie que de la survie.

Une grande fille
Une grande fille

Un film vrai

Les deux héroïnes semblent si différentes qu’il est parfois difficile de croire à leur amitié. Iya est une grande tige à l’origine du titre de film. Car elle est grande, au point de vue de la taille mais également au point de vue de l’âge, car elle est une jeune adulte qui a déjà connu suffisamment de drames pour la faire mûrir vitesse grand V même si elle reste fragile et démunie. Touchée par une pathologie qui la fige de manière inattendue, elle se change en statue et son mutisme informe l’entourage de sa crise. Sacha semble une femme forte, une guerrière intrépide au caractère bien trempé. Ces deux personnages vivent pendant 2h18 une aventure à la fois minuscule et majuscule. Les femmes travaillent dans un hôpital où les victimes de guerre se succèdent et interagissent avec elles, les raccrochant constamment à leur histoire récente et les empêchant d’avancer, car après la guerre, il faut savoir en sortir pour continuer à vivre et plus seulement survivre, même dans un contexte difficile. Le réalisateur a pris soin d’échafauder un arrière-plan hyper réaliste, sans effets visuels superfétatoires ni raccourcis narratifs, ne reculant devant aucune longueur pour perpétuer l’ambiance quasi apocalyptique. Peu de voitures, des vêtements réalisés de manière artisanale, des difficultés à trouver des vivres, la vie est complexe dans la Russie de cette époque.

Une grande fille
Une grande fille

Un quotidien jonché de drames

Le film surprend par le mélange des évènements banals du quotidien avec l’adjonction de drames qui s’insèrent pourtant dans la langueur ambiante alors qu’ils devraient exploser comme des missiles nucléaires. Car le spectateur n’a pas le temps de dire ouf que le film continue sa lente pérégrination dans le fil immuable des jours. Cette manière de ne jamais s’arrêter fait le grand intérêt d’un film qui aborde tant de sujets différents de manière langoureuse. La fragilité de l’existence, la recherche de l’amour, la possibilité de l’homosexualité dans une époque où elle restait encore cachée, les traumatismes intérieurs. Le film ne s’appesantit jamais et préfère effleurer les problématiques pour ne pas casser le fil de la vie qui passe. Ainsi le film semble ne faire surgir aucune problématique plus haute que les autres et les héroïnes passent de situations doucereuses en drames sans que cela ne semble les arrêter d’avancer. Belle prouesse.

Une grande fille est un film à l’ancienne, comme une plongée intérieure dans la psyché humaine, sans ennui ni regrets car le film en tire toute sa beauté diaphane. Une expérience cinématographique, pourrait-on dire.