Il n’est plus nécessaire de présenter David Robert Jones, alias David Bowie. Superstar dont la carrière s’étend sur plus de 50 ans, il est assurément l’un des musiciens les plus célèbres et les plus importants du 20ème siècle. Space Oddity, Life on Mars, « Heroes », Let’s Dance… On peut tous citer ses morceaux les plus connus. Ce que le grand public sait parfois moins en revanche, c’est que Bowie n’est pas qu’un faiseur de tubes ou de grandes chansons: c’est aussi (et même surtout) un très grand concepteur d’albums. L’un des artistes les plus talentueux, les plus innovants et les plus fascinants de son époque. 

Car s’il est vrai que son oeuvre est moins dense et plus inégale à partir des années 80, sa discographie des années 70 a de quoi donner le tournis. Entre 1969 et 1980, de Space Oddity à Scary Monsters (and Super Creeps), David a tout simplement enregistré un album studio par an, soit douze au total (auxquels il faut ajouter Pin Ups, un disque de reprises). Tous ces albums sont des pépites et méritent le coup d’oreille sans la moindre hésitation. Ce sont généralement des albums-concept, chacun d’entre eux possédant une ambiance, un univers et un style uniques. Et pour leur conférer à tous une identité plus marquante encore, le chanteur a eu l’idée géniale de changer de look et d’interpréter un nouveau personnage à chaque fois qu’il sortait un nouveau disque. Ainsi, l’identité musicale s’accompagne d’une identité visuelle toujours singulière. D’autant que le chanteur a toujours été très doué pour exploiter au maximum sa dégaine de mime, son regard étrange et son goût prononcé pour le travestissement.

Durant toute cette période, Bowie mettra un point d’honneur à expérimenter et à ne jamais se répéter musicalement: chaque album va toujours un peu plus loin que le précédent, quand il ne change pas radicalement de style. L’artiste a ainsi exploré de nombreux genres musicaux, tout en prenant chaque fois le soin d’y apporter sa propre patte. En bref, aucun de ces disques n’est banal ou anodin.

Petite revue chronologique des douze albums studios parus lors de cette décennie 70 d’une richesse artistique incomparable:

1969: Space Oddity

L’album échouera à surfer sur le succès du single Space Oddity

Depuis le début de sa carrière, le jeune David compose des singles qui ne connaissent aucun succès. Son premier album, sorti chez Deram en 1967 et sobrement intitulé « David Bowie », est également passé totalement inaperçu. Mais voilà que soudain, le single Space Oddity (à l’époque une version bien différente de celle que l’on connaît aujourd’hui) est choisi par la BBC pour accompagner les émissions TV sur la conquête spatiale. À 22 ans et déjà 5 ans de carrière difficile, c’est enfin un premier succès!

En plein dans sa période hippie, David tente alors d’enchaîner avec un deuxième album, au style très folk rock teinté de psychédélisme. Les chansons sont surtout influencées par Bob Dylan (pour le côté folk) et par Syd Barrett (pour le côté psychédélique). Le résultat est encore timide et se vend mal. David se cherche encore un style bien à lui, mais on sent déjà un grand potentiel malgré tout… Outre le morceau éponyme (qui dans sa forme définitive est l’une des plus grandes chansons de Bowie), on y trouve notamment une vraie perle étrange et méconnue de plus de 10 minutes: Cygnett Comitee. Un album déjà très plaisant et à découvrir.

-Le tube incontournable: Space Oddity
-La pépite méconnue: Cygnet Committe

1970: The Man Who Sold the World

C’est dans cet accoutrement que David assure la promotion de l’album

L’année suivante, David veut se trouver un style plus affirmé. Il engage un grand guitariste rock, Mick Ronson, et décide d’enregistrer un album un peu plus musclé que le précédent. Sur la pochette, il se travestit en femme et pose allongé sur un canapé, ce qui lui assure une certaine publicité. Il compose l’album avec l’aide de Ronson et de Tony Visconti, son nouveau producteur (et bassiste). Alors que le groupe Led Zeppelin est en train de tout casser, Bowie se refuse à se lancer dans un hard rock trop impersonnel: il souhaite conserver son originalité et expérimenter.

The Man Who Sold The World est donc un album rock, mais surtout très inventif: la créativité de David commence à exploser et à dévoiler un univers déjà riche et débordant. Les morceaux racontent des histoires assez farfelues, avec des thèmes comme la science-fiction, la folie, l’ésotérisme… Pas encore un grand succès, l’album regorge pourtant de merveilles méconnues. Assurément l’un des albums les plus sous-estimés de sa carrière.

-Le tube incontournable: The Man Who Sold the World (et encore, merci Nirvana pour leur reprise plus célèbre que l’originale!)
-Les pépites méconnues: The Width of a Circle, All the Madmen, Saviour Machine

1971: Hunky Dory

S’il n’est pas un grand succès à sa sortie, Hunky Dory sera largement réévalué par la suite

Le premier album enregistré chez RCA, maison de disque qu’il gardera durant toute la décennie. C’est le début de la « période glam » du chanteur. Après The Man Who Sold The World, David fait le choix de revenir à des sonorités un peu plus douces: les instrument les plus présents sont le piano, les cordes et le saxophone, tandis que la guitare de Mick Ronson se fait plus discrète et plus souvent acoustique qu’électrique. Vocalement aussi, un palier est franchi: Bowie se lâche et démontre qu’il est une très grande voix. C’est particulièrement flagrant sur Life on Mars, l’une des plus grandes chansons de son répertoire, mais c’est également vrai tout au long de l’album.

A travers les différents morceaux d’Hunky Dory, il s’amuse à rendre hommage à diverses personnes: son jeune fils Duncan (Kooks), Andy Warhol (Andy Warhol), Bob Dylan (Song for Bob Dylan), le Velvet Underground (Queen Bitch) ou encore son grand frère Terry, atteint de schizophrénie (The Bewlay Brothers). Sophistiqué à souhait, d’une richesse inouïe et doté de superbes mélodies, Honky Dory est un pur chef-d’œuvre, pour certains le meilleur album de David Bowie. Et pourtant, le succès n’arrivera que l’année suivante…

-Les tubes incontournables: Life on Mars, Changes, Oh! You Pretty Things
-Les pépites méconnues: toutes les autres, sans exception…

1972: The Rise and Fall of Ziggy Stardust and The Spiders from Mars

« Ziggy played guitar »…

L’album de la consécration éclatante, enfin. Désormais sûr de sa force, David a choisi de se créer un personnage, un alter-ego fictif: Ziggy Stardust, dont l’album du même nom racontera les péripéties. Tombé sur terre par accident, Ziggy est un martien qui, à force de côtoyer notre société décadente, finira par devenir la rockstar ultime. Le groupe de Bowie, composé de Mick Ronson, Trevor Bolder et Mick « Woody » Woodmansey prend alors le nom de « Spiders from Mars ». David ne lésine pas sur les costumes et le maquillage: c’est aussi un moyen de camoufler sa timidité sur scène en changeant d’identité.

Que dire de cet album de légende, si ce n’est qu’il est tout simplement parfait: de la première à la dernière minute, rien ne dépasse, tout est maîtrisé. Five Years, Soul Love, Moonage Daydream, Starman… Les morceaux cultes s’enchaînent sans interruption, rythmés par la guitare (et le piano) d’un Mick Ronson déchaîné. Pendant les concerts, le public est hystérique et David Bowie devient le plus grand phénomène musical au Royaume-Uni depuis les Beatles. S’ensuivra une tournée aux États-Unis, au Japon… L’un des meilleurs albums de rock de tous les temps, tout simplement.

-Les tubes incontournables: Starman, Ziggy Stardust, Rock’N Roll Suicide, Suffragette City
-Les pépites méconnues: toutes les autres… mais sont-elles vraiment méconnues?

1973: Aladdin Sane

Sans doute la pochette la plus célèbre de la carrière de Bowie

Sur la lancée de Ziggy Stardust, Bowie enchaîne les tournées, la cocaïne l’aidant à tenir le rythme. Il trouve tout de même le temps de composer et d’enregistrer un nouvel album. Ce dernier est très inspiré par la tournée aux États-Unis, pays qui fascine David depuis toujours. Son nouveau personnage, Aladdin Sane, est une sorte de Ziggy Stardust en plus torturé, plus terrestre et plus américain. Sur son visage, il arbore le fameux éclair rouge et bleu, qui restera comme la marque d’identification la plus célèbre du chanteur. À noter que « Aladdin Sane » est un jeu de mot: il peut se lire « A lad insane » (« un type fou »).

Musicalement, l’album se situe dans la continuité de son prédécesseur, mais avec des thèmes plus sombres, plus terre-à-terre. La guitare électrique de Ronson y est bien plus agressive et les paroles plus crues. Paradoxalement, il est aussi parfois plus « glam » et plus « précieux » que Ziggy Stardust, avec notamment une petite touche jazzy façon cabaret en plus: c’est que le grand pianiste Mike Garson, qui accompagnera Bowie jusqu’à la fin de sa carrière, vient de rejoindre le groupe en tant que cinquième membre. Son jeu puissant et énergique est l’une des caractéristiques essentielles de l’album: il n’y a qu’à écouter le fantastique Time, ou le solo final sur la chanson éponyme, ou encore le fabuleux Lady Grinning Soul pour mesurer son impact.

-Les tubes incontournables: The Jean Genie, Drive-In Saturday
-Les pépites méconnues: Watch That Man, Time, Lady Grinning Soul

1974: Diamond Dogs

Diamond Dogs aurait pu s’appeler 1984

Terminé le glam-rock des 3 dernières années, Diamond Dogs marque un changement de registre radical! La preuve: David a dissout les Spiders from Mars et s’est même séparé de Mick Ronson, son fidèle guitariste. Avec ce nouvel album-concept, l’ambition de Bowie était de réaliser une adaptation musicale de 1984, le roman de George Orwell. Toutefois, au grand dam de David, les ayants droit de l’auteur refusèrent de lui en accorder les droits… C’est donc sous le nom de Diamond Dogs que le disque s’inspirera malgré tout du roman.

L’album n’a plus rien à voir avec ses prédécesseurs: il nous plonge dans une atmosphère dystopique et post-apocalyptique, avec un mixage très particulier, des chœurs trafiqués et des sonorités distordues, parfois même cradingues. Les cuivres (saxophone, trompettes) y ont également une bonne place. Beaucoup plus difficile d’accès que d’habitude, Diamond Dogs vaut pourtant vraiment la peine que l’on s’y plonge. C’est tout un univers qu’il nous offre une fois de plus, avec une richesse instrumentale incroyable. Pour les concerts, Bowie interprète désormais le personnage du « Halloween Jack »: cheveux rouges et cache-œil de pirate!

-Les tubes incontournables: Rebel Rebel, Diamond Dogs
-Les pépites méconnues: le triptyque Sweet Thing/Candidate/Sweet Thing (reprise), Big Brother

1975: Young Americans

Pour conquérir les USA, la pochette rappelle ouvertement l’âge d’or d’Hollywood

Marre du rock et de l’Angleterre: David Bowie, qui n’est toujours pas une grande star en Amérique malgré ses efforts sur Aladdin Sane, part s’installer à Los Angeles. Aux USA, il s’immerge notamment dans la musique noire, qu’il affectionne et admire beaucoup. Il se met ainsi à fréquenter quelques-uns des plus grands artistes soul du moment, et finit par enregistrer son propre disque de soul/funk, en toute décontraction. Les cuivres, les sonorités chaudes et dansantes, les chœurs féminins se mélangent pour former un album de très bonne facture. Pour assurer la rythmique, David a recruté Carlos Alomar, un guitariste portoricain qui ne le quittera (presque) plus par la suite. Alomar s’y connaît en soul: il a joué avec James Brown

Young Americans est l’un des pionniers de ce qu’on appelle parfois la « blue-eyed soul », la soul blanche. Les boites de nuit afro-américaines passent désormais du David Bowie, notamment le titre Fame, qui est un très grand succès: premier single du chanteur à sortir aux USA, il se classe carrément numéro 1. Bowie affirme enfin sa popularité auprès du public américain, qui avait réservé un accueil mitigé à Ziggy Stardust (personnage bien trop androgyne à leur goût). Young Americans est également un album charnière dans la carrière du chanteur: dorénavant, David prendra toujours le soin de mettre un peu de groove dans tous ses albums suivants. Son nouveau péché mignon!

-Les tubes incontournables: Fame, Young Americans
-Les pépites méconnues: Fascination, Right

1976: Station to Station

Photo tirée du film L’Homme qui venait d’ailleurs (1976), dont Bowie est la vedette

David a pris goût à son nouveau style. Après la soul relativement classique de Young Americans, il fallait exploiter tout ça avec un peu plus d’originalité. Bowie s’exécute et enregistre Station to Station: un nouvel album-concept à l’univers étrange, influencé par le cinéma de science-fiction (notamment 2001 l’Odyssée de l’espace), mais aussi par la philosophie de Nietzsche, l’esthétique des cabarets allemands des années 30, ou encore l’occultisme… Bowie interprète un nouveau personnage: le Thin White Duke, un aristocrate maigre et élégant, au physique aryen et au teint livide. C’est un individu froid comme un glaçon, qui chante des chansons romantiques sans ressentir la moindre émotion. Ce surnom est l’un de ceux qui resteront le plus pour désigner David Bowie.

L’album s’ouvre sur le morceau éponyme, une vraie merveille de plus de 10 minutes. Pour le reste, la soul et le funk sont encore très présents et la voix de David est celle d’une vraie diva (notamment sur Word on a Wing et sur Wild is the Wind). Mais surtout, l’album fait la part belle aux expérimentations et aux sonorités électroniques, influencées par le Krautrock allemand. En fait, Station to Station est un album de transition: il fait le pont entre Young Americans et les 3 albums suivants, la fameuse « trilogie berlinoise ». Sur le plan personnel, Bowie est toutefois au plus mal: sa dépendance à la cocaïne est telle qu’il déclarera plus tard ne même pas se souvenir des sessions d’enregistrement. Dépressif, paranoïaque, il est même victime d’hallucinations.

-Les tubes incontournables: Wild is the Wind, Golden Years
-Les pépites méconnues: Station to Station, Word on a Wing

1977: Low

Sur la pochette, David pose de profil, ce qui donne: « Low profile », soit « profil bas »…

Dans un état psychologique déplorable, complètement camé, Bowie prend la décision de fuir Los Angeles qu’il ne supporte plus. Il fait ses valises et s’installe à Berlin. Il y retrouve son ami Iggy Pop, au plus bas lui aussi. À cette époque, la ville respire la créativité artistique. C’est également le berceau de la musique électronique depuis une dizaine d’années. Bowie y rencontre Brian Eno, LE pionnier anglais du genre. C’est le début d’une collaboration fructueuse entre les deux hommes, qui débouche sur la fameuse « trilogie berlinoise »: trois albums de rock expérimental teinté de musique électronique. Low en constitue le premier volet, très inspiré par les groupes de Krautrock allemands de l’époque (Kraftwerk, Neu…) et par le courant minimaliste (Philip Glass).

Mais David est bien trop malin pour faire du simple copié-collé: conçu et enregistré avec l’aide d’Eno, Low est un OVNI incroyablement visionnaire. Original jusque dans sa construction (une première moitié constituée de chansons, une seconde constituée d’instrumentaux), son ambiance unique et ses sonorités toujours plus recherchées feront l’admiration du monde entier. Résolument underground et anti-commercial (ce qui ne ravira pas RCA au départ), l’album marchera pourtant très honorablement en Europe. Un véritable coup de maître, considéré comme l’un des tous meilleurs Bowie. Attention toutefois: il peut sérieusement dérouter!

-Les tubes incontournables: aucun, mais la plus connue et accessible est Sound and Vision.
-Les pépites méconnues: Always Crashing in the Same Car, Warszawa, Be My Wife, Subterraneans

1977: « Heroes »

Pour The Next Day (2013), David reprendra l’image et cachera son visage derrière un carré blanc

David et son équipe n’ont pas chômé: le deuxième volet de la trilogie berlinoise sort la même année, en octobre 1977. « Heroes » se situe exactement dans la lignée de Low et repousse encore les limites. Alors que Low restait underground de bout en bout, son petit frère s’offre même le luxe d’inclure un tube légendaire, l’un des meilleurs et des plus célèbres de Bowie: la chanson titre, « Heroes ». La structure de l’album est par ailleurs la même que celle de Low: une première partie constituée de chansons plus bizarroïdes les unes que les autres, une seconde entièrement instrumentale. Avec leurs sonorités industrielles parfois agressives, les chansons sont bien plus musclées que celles de Low; quant à la partie instrumentale, elle est conçue comme un voyage qui nous emmène dans des contrées étranges et propices à l’introspection.

David est au sommet de sa créativité, influençant toute la musique électronique et même bien au-delà. Il est bien aidé à la composition par Brian Eno, magicien qui maîtrise à la perfection toutes les machines et tous les instruments électroniques. Enfin, il faut signaler la présence d’un invité de marque, lui aussi très impliqué sur l’album: il s’agit de l’immense Robert Fripp, auteur/compositeur et guitariste du groupe King Crimson. Écoutez donc la chanson Black Out: sa guitare rapide, claire et haut-perchée fait à elle-seule toute l’identité du morceau…

-Le tube incontournable: « Heroes »
-Les pépites méconnues: C’est vraiment l’ambiance générale qui fait tout l’album…

1979: Lodger

Lodger, ou l’invitation au voyage

La trilogie s’achève avec Lodger, qui sort en 1979. Beaucoup plus conventionnel et facile d’accès, délaissant les morceaux instrumentaux qui faisaient la particularité de ses deux aînés, ce n’est pas le plus inoubliable des trois. Mais s’il est clairement un ton en dessous, il n’est pas non plus banal, loin de là: comme Low et comme « Heroes », Lodger ne ressemble à aucun autre album et reste truffé de bonnes idées et de trouvailles. Il est conçu comme une espèce de tour du monde ou de carnet de voyage: la plupart des chansons parlent de voyage, d’évasion (Fantastic Voyage, Red Sails) ou du besoin de prendre le large (Move On). Certaines adoptent des sonorités exotiques (le tribal African Night Flight, l’oriental Yassassin…), ce qui confère à l’ensemble un petit air de musique du monde. Bref, c’est une superbe invitation à l’escapade.

Mais tout serait trop simple si l’album se résumait à cela. En tant que dernier volet de la trilogie berlinoise, Lodger continue les explorations musicales et rythmiques et injecte des sonorités électroniques un peu partout. C’est également le plus funk, le plus groovy de la trilogie. La basse y est particulièrement présente et beaucoup de morceaux sont très dansants à l’instar de DJ, bon petit succès à l’époque.

-Les tubes incontournables: La plus connue est Boys Keep Swinging, suivie de DJ
-Les pépites méconnues: Move On, Red Sails, Look Back in Anger

1980: Scary Monsters (and Super Creeps)

Du rock new wave, mais pas que…

Les années 70 sont terminées et la trilogie berlinoise bouclée. À l’aube de la nouvelle décennie, David ne perd pas de temps et opère un grand retour au rock. Mais comme toujours, il ne se contente pas d’un disque conventionnel. Scary Monsters (and Super Creeps) sera donc un album unique, évidemment. Un album de rock, mais qui se nourrit de toutes les expériences des disques précédents. Son mixage étrange rappelle forcément la trilogie berlinoise, tout comme les synthétiseurs et les sonorités « industrielles » qui viennent accompagner la guitare, la basse et la batterie. Le groove si cher à Bowie est souvent présent lui aussi: l’exemple le plus frappant est Fashion, gros tube carrément funky à la limite du disco, qui annonce déjà Let’s Dance.

Côté musiciens, l’album bénéficie du retour de Robert Fripp pour une nouvelle collaboration après « Heroes ». Et sur Because You’re Young, le riff de guitare est assuré par Pete Townshend, de The WhoScary Monsters a été une grande source d’inspiration pour la New Wave (dans laquelle il s’inscrit en partie), mais aussi pour un certain Kurt Cobain. La plus belle réussite de l’album restera bien sûr Ashes to Ashes, chanson géniale dont le clip très novateur connaîtra un immense succès; on y voit le nouvel avatar de Bowie, qui apparaît déguisé en Pierrot (ou clown triste). La chanson se moque du Major Tom de Space Oddity, bouclant ainsi la boucle avec le premier succès de David sorti onze ans plus tôt.

-Les tubes incontournables: Ashes to Ashes, Fashion, Scary Monsters (and Super Creeps)
-Les pépites méconnues: Teenage Wildlife, Scream Like a Baby, Because You’re Young

Les années 80: la fin de l’état de grâce

Scary Monsters (and Super Creeps) était plus une synthèse des glorieuses années 70 qu’une véritable entrée dans les années 80. Après cette dernière pépite, il faudra attendre trois ans pour entendre le prochain album de David Bowie. Ce dernier sera d’ailleurs le plus grand succès commercial de toute sa carrière: Let’s Dance. Un carton mondial, tout simplement le deuxième disque le plus vendu de l’année 1983 derrière l’intouchable Thriller de Michael Jackson. Le clip de la chanson éponyme fait également un malheur sur MTV. Mais paradoxalement, ce sommet commercial est aussi le début d’un indéniable déclin artistique: la qualité de Let’s Dance est déjà loin des chefs-d’œuvre précédents, et cela n’ira pas en s’arrangeant.

Let’s Dance (1983), plus gros succès commercial de Bowie

C’est que David commence à sécher quelque peu! Les années 80 seront un relatif passage à vide pour lui, ses albums se faisant plus espacés et beaucoup moins inspirés. Les deux suivants, Tonight (1984) et Never Let Me Down (1987) sont d’une banalité confondante pour des Bowie… Au cours des années 90, 2000 et 2010, il continuera à composer de nombreux albums, de qualité variable. Il y aura quelques très belles réussites, comme 1. Outside en 1995 ou encore le fabuleux Blackstar, album-testament sorti deux jours avant sa mort le 10 janvier 2016.

Mais jamais il ne retrouvera tout à fait ce souffle extraordinaire des années 70, lorsqu’il était en état de grâce. Un état de grâce qui lui aura souvent permis, l’espace d’une décennie, de mener la danse et d’insuffler le mouvement…