Critique : L’actualité politique est loin d’être joyeuse, ce n’est pas rien de le dire. La montée de prises de paroles emplies de violence et de rejet n’est pas une inquiétude nouvelle (elle nourrit de nombreuses fictions dans différents médiums depuis bien longtemps) mais la résurgence d’agressions et de propos insultants rappelle la nécessité du cinéma à s’y adresser. Il n’est donc pas étonnant de voir sur nos écrans ce « Jouer avec le feu », vision effrayée d’un père ne trouvant pas le moyen d’extraire son fils d’une influence d’extrême droite jusqu’au point de non-retour.
Un des points intéressants du long-métrage de Delphine et Muriel Coulin (également scénaristes) est la place prépondérante de cette structure familiale masculine, la mère décédée agissant comme un fantôme dont le départ prématuré souligne des failles béantes. Il y a une volonté des réalisatrices de capter cette masculinité avec une approche appuyée, notamment dans l’évolution de Fus mais aussi l’incapacité d’action du père. C’est peut-être même le meilleur point du film : mettre en image cette déliquescence lente mais sûre d’une famille à priori banale par des influences d’extrême droite afin de mieux comprendre sa transmission et son ancrage même quand l’amour familial reste présent. Cette mue douloureuse prend son temps (peut-être un poil trop) mais il s’en dégage une atmosphère d’inactions et de frustrations qui ne peut que ressortir dans l’actualité du moment.
« Jouer avec le feu » fonctionne ainsi mieux dans son aspect portrait, au point de surligner par instants ses intentions, tout en essayant d’éviter la banale chronique sociale. En plongeant profondément dans cette structure familiale masculine, Delphine et Muriel Coulin captent la bascule vers la violence avec un réalisme cru qui aurait peut-être mérité d’être moins souligné afin de rendre la cruauté de certains propos plus forte encore. On ne tombera pas dans le cliché du « film nécessaire » mais il n’empêche que ce genre de piqûre de rappel sur l’invasion croissante de politiques de rejets et de violence mérite le coup d’œil par ce qu’elle évoque de bien trop contemporain.
Résumé : Pierre élève seul ses deux fils. Louis, le cadet, réussit ses études et avance facilement dans la vie. Fus, l’aîné, part à la dérive. Fasciné par la violence et les rapports de force, il se rapproche de groupes d’extrême-droite, à l’opposé des valeurs de son père. Pierre assiste impuissant à l’emprise de ces fréquentations sur son fils. Peu à peu, l’amour cède place à l’incompréhension…