Je me posais la question ce matin, qu’est ce que je recherche avant tout dans un film? De l’action? Pas forcément. Un tableau d’époque esthétique et fidèle à l’idée que l’on s’en fait? Pourquoi pas. Des dialogues qui pètent? Peut-être. Des acteurs qui se déchirent à l’écran? Je ne suis pas contre. Un peu tout ça? Oui, ça se précise, mes attentes sont très larges mais j’aime surtout quand le genre est dépassé pour mélanger plusieurs thématiques. Je m’explique.

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué

Le premier exemple qui m’est venu à l’esprit, c’est The Social Network. Un film sur le mec qui a créé Facebook, on ne le voit qu’à peine programmer, il arrête pas de jacasser et de remettre tout le monde à sa place, à tel point que le spectateur n’a qu’une seule envie, lui mettre des baffes. David Fincher a eu l’idée de génie de faire un film anti-technique au possible sur un sujet où le commun des mortels n’y comprendrait absolument rien. Les acteurs sont mis en scène pendant des procès, des repas au restaurant, c’est bavard au possible. Pas de Basic, pas de lignes de codes, rien, on en parle mais on ne les voit jamais. Pareil pour Pulp Fiction, les deux héros principaux interprétés par John Travolta et Samuel L. Jackson sont des tueurs à gages, pourtant leur besogne tient une place épsilonesque dans le film de Quentin Tarantino, et encore, un meurtre est le résultat d’un accident dans une voiture à cause d’une bosse. Là où les films de gangster habituels multiplient les gunfights dans tous les sens, Tarantino fait parler ses personnages, encore et encore et encore. Et le résultat est bluffant. D’où ma théorie: un bon film embarque le spectateur dans un voyage inattendu, à l’opposé du concept promis au départ. Et comme j’aime être perdu devant un film, je me délecte quand le sujet et son traitement semblent complètement mis en opposition. Autre exemple, La Favorite. Yorgos Lanthimos propose une peinture d’époque au vitriol, un XVIIIe sicèle presque punk avec une classe dirigeante décadente dont la marche de la nation ne semble qu’une occupation annexe. C’est inattendu, la reine semble complètement perdue, elle mène pourtant ses favorites par le bout du nez, son droit de vie ou de mort va de soi sans avoir besoin d’en rajouter, c’est inattendu. Ou dans Nocturama, Bertrand Bonello imagine un groupe de terroristes à peine adultes, pas du tout embrigadés dans une pensée religieuse, extrême ou anarchiste, ils sont juste opposés aux dérives de la société capitaliste, tout en en arborant tous les codes, et c’est là le paradoxe ultime, car ils ne s’en rendent même pas compte. 3 Billboards pourrait être un tableau naturaliste de la société redneck américaine, mais le réalisateur Martin McDonagh fait surgir des plages de violence de manière complètement inattendue pour ces personnages limités. Voilà, je brosse un tableau elliptique mais l’idée est là. Et même le film Le Mépris montre un couple qui ne s’aime plus mais qui pourtant apparait ensemble dans presque tous les plans du film, la fin est inéluctable et le spectateur sait que la désunion sera synonyme de tragédie, eu égard aux multiples références aux dieux grecs.

Voilà, petit laïus sur mes attentes cinéphiliques, forcément exigeantes. Je n’attends pas forcément du divertissement ou de la testostérone, mais de la surprise, de la densité et de l’exigence. D’où des critiques parfois un peu sévères sur les films simplement premier degré, il m’en faut plus 😀