François Ozon a déjà adapté une pièce du réalisateur et dramaturge allemand Werner Fassbinder en 2000 avec le très réussi et claustrophobique Gouttes d’eau sur Pierre Brulantes. Bernard Giraudeau y interprétait un méphisto truculent face au jeune et malléable Malik Zidi. Un jeu pervers assez proche se joue dans l’un peu moins réussi Peter von Kant. Denis Ménochet interprète un personnage d’ogre très proche du réalisateur allemand, jusque dans sa moustache, le monolithe est puissant mais manque singulièrement de profondeur.
Un hommage sans éclats
La forme est là, le fond manque singulièrement. C’est sans doute la critique principale à formuler à ce Peter von Kant. En souhaitant adapter librement la pièce Les Larmes amères de Petra von Kant, François Ozon recherche une fois de plus à créer une dualité entre sentiments profonds et surface, force affichée et faiblesse cachée, rapports d’adultes et souvenirs d’enfance. 22 ans après l’expérience réussie des Gouttes d’eau, Ozon a changé de statut. Ce n’est plus un débutant mais un cinéaste confirmé, ce qu’a confirmé son récent Eté 85 sorti en 2020. Son statut lui permet d’adapter l’œuvre de Fassbinder avec des notables arrangements. Le monde du cinéma remplace celui de la mode et Peter von Kant (Denis Ménochet), est un ogre à qui rien ne résiste. Le physique puissant de l’acteur tranche avec l’allure fluette de son assistant / homme à tout faire Karl (Stefan Crepon). Quand le réalisateur rencontre Amir (Khalil Ben Gharbia), il le veut tout entier pour lui et le fait habiter dans son appartement de Cologne. Mais la romance se change vite en rapport de force où le pygmalion ne parvient plus à dominer sa créature sans l’étouffer. Et le réalisateur ne parvient plus à se ressaisir, il prend conscience de sa solitude profonde et infiniment répétée. A ses côtés, la diaphane Isabelle Adjani joue une créature vampirique qui manipule visiblement Peter. En lui mettant Amir dans les pattes, elle lui joue un mauvais tour et se permet de garder l’ascendant sur un réalisateur qu’elle a concouru à lancer et qui manifeste un peu trop de velléités de liberté à son gout. Elle l’emprisonne et s’en délecte.
Peter von Kant manque un peu trop d’ambiguïté pour pleinement convaincre. Les péripéties semblent plaquées; ce jeu du chat et de la souris est trop dépourvu de subtilités pour séduire complètement. Reste un objet conceptuel formellement somptueux mais un peu vide, hélas.
Synopsis:
Peter Von Kant, célèbre réalisateur à succès, habite avec son assistant Karl, qu’il se plaît à maltraiter. Grâce à la grande actrice Sidonie, il rencontre et s’éprend d’Amir, un jeune homme d’origine modeste. Il lui propose de partager son appartement et de l’aider à se lancer dans le cinéma…