Critique : Le film d’Alain Guiraudie s’entame par un dialogue, simple en apparence. Pourtant, dans cette demande d’un homme lambda à faire l’amour gratuitement à une prostituée dont il est tombé amoureux, se dresse le burlesque subtil qui va alimenter le film. D’amour, il en sera justement question dans le long-métrage, mais pas uniquement entre Médéric et Isadora. On parle également d’une autre forme d’affection par l’empathie, permettant au long-métrage de trouver une forme de foi envers ces sentiments positifs durant des périodes sombres comme celles des attentats. La paranoïa qui se dressera peu à peu en toile de fond se verra alors comme véritable antagoniste, que ce soit celle du mari cocufié d’Isadora ou bien celle des habitants qui croient voir en un sans-abri un terroriste.

Par ces quelques pistes, « Viens je t’emmène » aurait pu virer dans le capharnaüm filmique et pourtant, il s’y dessine une forme de stabilité qui désarçonne mais se maintient tonalement tout au long de la narration. Entre comique proche de l’énorme et réalisme social dur au vu de ses thématiques, Alain Guiraudie nous fait naviguer dans un flot bouillonnant tout en conservant un cap des plus solides. Cela rend le résultat final surprenant tant il s’avère quasiment digne d’un mélange chimique par ses composants, sur le fil de l’explosion dévastatrice mais dont le seul boum s’avère cinématographique.

Trouvant dans son harmonie précaire une forme aussi passionnante que son fond, « Viens je t’emmène » surprend agréablement. On sait que certaines personnes risquent de se diviser face à la proposition d’Alain Guiraudie et pourtant, il y a de l’intérêt à y jeter un œil, ne serait-ce que par sa façon de tenir du vaudeville léger en apparence mais sombre dans ses profondeurs. Si l’originalité et une certaine dose d’amour dans différentes variations ne vous font pas froid aux yeux, alors il se peut que ce film puisse vous plaire. Aussi drôle que grinçant, romantique que triste, « Viens je t’emmène » n’a pas son pareil pour nous balancer dans tous les sens sans nous perdre un instant.

Synopsis : À Clermont-Ferrand, Médéric tombe amoureux d’Isadora, une prostituée de 50 ans, mais elle est mariée. Alors que le centre-ville est le théâtre d’une attaque terroriste, Selim, un jeune sans-abri se réfugie dans l’immeuble de Médéric provoquant une paranoïa collective. Tout se complique dans la vie de Médéric, tiraillé entre son empathie pour Sélim et son désir de vivre une liaison avec Isadora.