Quand Snatch débarque sur les grands écrans en 2000, le film britannique apporte un vent de folie et de fraicheur qui le rend presque immédiatement culte. Une avalanche de personnages hauts en couleur et de répliques mythiques oblige une horde de fanatiques à le voir plusieurs fois pour suivre le rythme et mémoriser toutes ses mémorables punchlines. Le réalisateur Guy Ritchie applique une fois de plus le style foisonnant et foufou entrevu dans son premier film Arnaques, Crimes et Botanique. Pas de pauses durant 104 minutes, accrochez vos ceintures c’est parti!
Un film de gangster parodique
Snatch débute par un braquage. 4 gangsters grimés en rabbins s’introduisent chez un receleur de diamants d’Anvers et subtilisent un caillou de 84 carats pour le compte d’un gangster américain. Quand Franky Four Fingers disparait dans la nature avec le diam’s, toute une ribambelle de margoulins se met en quête de la précieuse gemme. Tous plus dangereux les uns que les autres, ils vont se dézinguer à coups de gros pétoires et de réparties truculentes.
Un festival d’humour
Loin de se prendre au sérieux, Snatch aurait pu se transformer en film ultra violent avec sa horde de truands assoiffés de sang. Mais si le film est constamment à deux doigts de basculer dans le bain de sang sordide, il choisit au contraire de privilégier l’humour constamment décalé plutôt que d’étaler des images de massacres sanguinolents. Une version alternative interdite aux moins de 16 ans pourrait sortir un jour mais cette version-ci se contente d’enchainer les situations incongrues. Mafia juive, manouches furieux, vermines de l’ex-Union Soviétique, organisateurs psychopathes de combats clandestins, gangsters black, Snatch ne fait pas dans la demi-mesure et le réalisateur prend un malin plaisir à constamment fourrer dans le pétrin tous ses protagonistes.
Des personnages mythiques
Difficile de choisir entre Boris the blade, Brick Top et Tony Bullet-Tooth pour décerner la palme de la plus grande crapule internationale. Leurs historiques personnels sont remplis de cadavres dans les placards et d’exactions en tout genre. Il n’y a qu’à voir leurs têtes pour comprendre que ce ne sont pas des enfants de cœur. Pourtant si leur emballage a toute l’apparence de l’impitoyabilité et du hachage menu, ces personnages évoluent dans un film de Guy Ritchie, donc inexorablement confrontés à leur incompétence crasse. Incapables de retrouver la caillou, ils vont n’avoir de cesse d’accumuler les ennuis dans une récurrence qui laisse admiratif.
Une ribambelle d’acteurs cultes
Dans tous ses films, Guy Ritchie a la bonne idée de faire appel à de vraies tronches de cinéma. Jason Statham, Vinnie Johnson et Benicio Del Toro prêtent leurs traits à des personnages impitoyables en apparence mais empêtrés dans leur bêtise. Brad Pitt joue Mickey avec une partition exactement inverse. Benêt en apparence, il ne va pas cesser de coucher tous ses adversaires. L’acteur use d’un inimitable et incompréhensible accent gitan irlandais pour ne jamais se faire comprendre et irrémédiablement embrouiller ses interlocuteurs. Autre personnage vraiment antipathique et véritablement impitoyable, Alan Ford interprète un Brick Top glaçant comme une lame de rasoir. Il n’y a qu’à compter le nombre de ses répliques cultes pour se rendre compte de son caractère de cochon.
Un rythme de fou
La grande force de Guy Ritchie consiste à ne jamais baisser de rythme. Les péripéties s’enchainent sans discontinuer à une cadence folle. Les personnages rentrent et sortent de l’intrigue comme on enchaine les partenaires à la valse. Vinnie Johnson apparait au bout de 40 minutes tandis que Benicio Del Toro sort de l’écran très rapidement. Le fil rouge est incarné par les personnages de Jason Statham et Stephen Graham, truands à la petite semaine mêlés à une affaire de combats clandestins qui les dépasse. On s’attache à tous ces pieds nickelés incapables d’agir sans enchainer les dégâts. Le réalisateur alterne entre montage mitraillette et plages faussement calmes qui précèdent des déchainements de violence proches du cartoon. Il faut voir Boris ou Tony prendre des balles en rafale pour immanquablement y survivre. La mort semble ne pas avoir de prise sur ces personnages secondaires truculents et risibles à souhait.
Un western moderne
Ce Snatch me fait penser à la trilogie de Sergio Leone. Des personnages pittoresques sont englués dans une histoire de flingues au milieu de truands féroces et personne ne parvient à se sortir de cette béchamel infernale. Là où on attendrait un jusque boutisme cohérent avec leurs têtes de truand, les grands méchants se font enfler les uns après les autres, en beauté. Certains y réchappent, d’autres subissent la loi du destin. Mais il semble bien que le gitan sympa soit celui qui tire les ficelles. Même s’il en prend plein la tronche et ne s’en sort pas complètement indemne. Le vrai blondin de Le bon La Brute et le truand, c’est lui. Brick Top est la brute. Tous les autres semblent interpréter le(s) truand(s). Guy Ritchie s’est servi à la source, il a eu bien raison.
Musique
L’autre grand avantage des films de Guy Ritchie, c’est son utilisation impeccable de morceaux connus et moins connus qui vous trotteront pour longtemps dans la tête. Et pour Snatch, c’est un véritable festival. Entre Oasis (Fuckin’ in the bushes), The Stranglers (Golden Bown), Mirwais (Disco Science), Massive Attack (Angel) et tout le reste, la BO a longtemps résonné dans mon appartement. Très fort. Le choix des morceaux colle parfaitement avec les ambiances, les vannes pullulent, l’humour est omniprésent, parfois facétieux, souvent féroce. La galerie de monstres fait rire. Comme dans son premier film ou le suivant Rock’n’Rolla, Guy Ritchie manie l’humour à plusieurs degrés et aime à mélanger les niveaux de lecture. Un personnage doit se faire dessouder? Un autre est faussement détendu? Un troisième est trop sûr de lui? Le réalisateur aime à faire triompher la naïveté face à la brutalité de tortionnaires assoiffés de sang. Quel dommage qu’il ait finalement changé son fusil d’épaule et abandonné cette truculence si vivifiante dans ses derniers films. On n’en fera plus des films comme ça…
Phrases cultes
Le film est un vrai festival, ça n’arrête jamais. Je mets les phrases en anglais car je n’ai jamais vu le film en français, ça doit être beaucoup moins bien… Je suppose.
Avi: Should I call you Bullet? Tooth?
Bullet Tooth Tony: You can call me Susan if it makes you happy
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Brick Top: Do you know what « nemesis » means? A righteous infliction of retribution manifested by an appropriate agent. Personified in this case by an ‘orrible cunt… me.
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Turkish: You take sugar?
Brick Top: No thank you, Turkish; I’m sweet enough.
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Brick Top: In the quiet words of the Virgin Mary… come again?
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Turkish: Well the rabbit gets fucked.
Tommy: [pauses] Proper fucked?
Turkish: Yes, before « Zee Germans » get there.
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Bullet Tooth Tony: You should never underestimate the predictability of stupidity.
Florilège de scènes cultes