Plutôt Contre: Stanislas, un film sans trop de rythme et au final un peu ennuyeux, note: 2/5
Après ses deux précédents films déjà vus au cinéma, l’un peu décevant Que Dios Nos Perdone et le choc El Reino, le réalisateur Rodrigo Sorogoyen est de retour avec un film estival à la pesanteur lancinante.
Un drame de la reconstruction
Une mère de famille meurtrie par la disparition de son fils croit le revoir au même endroit en la personne d’un adolescent, dix ans plus tard après les faits ressentis douloureusement. Le film se déroule sur les plages du sud ouest de la France et n’abuse pas d’effets visuels ou scénaristiques pour capter l’attention du spectateur. La jolie actrice Marta Nieto se laisse entrainer par son fantasme de réapparition, entre boulot de serveuse, regards perdus dans le vague et attirance filiale pour le jeune Jean (Jules Porier) rencontré pendant l’été. Elle croit retrouver son fils, elle représente ce qu’il ne parvient pas à trouver chez ses propres parents. Entre eux se noue un lien filial difficile à éviter, fait de bienveillance mutuelle et d’une complicité ravie. La rencontre pourrait recéler d’une ampleur insoupçonnée si elle ne s’étirait pas sur presque deux heures. Le phénomène ne m’est pas inconnu, je me laisse tenter par une séance ciné au cœur de l’été alors que le soleil brille et je ne m’y retrouve pas dans une salle de ciné où le film tourne un peu en rond. L’ennui pointe quand aucun élément scénaristique parvient à faire la différence de manière tangible pour relancer l’intrigue de manière régulière. Entre soirées alcoolisées, réputation de folle trainée par l’héroïne Elena et relation insatisfaisante avec son nouveau compagnon Joseba (toujours impeccable Alex Brendemühl), il n’est pas difficile d’anticiper le dénouement final, forcément attendu et décevant.
Le film Madre est loin d’être désagréable mais il n’y a rien de plus à attendre que ce que la première demi-heure laisse rapidement présager. 2h pour une absence quasi totale de rebondissements, c’est peut-être 30 minutes de trop.
100 fois pour: Adrien, le choc Madre (note: 4,5/5)
Avec Que Dios nos perdone et El Reino, sortis respectivement en 2016 et 2019, Rodrigo Sorogoyen s’était déjà clairement imposé comme un réalisateur à suivre de près. Et si son nouveau film est très différent des autres dans son rythme et dans l’histoire qu’il raconte, il ne fait que confirmer un peu plus le talent du réalisateur espagnol, notamment pour la mise en scène. Mais aussi pour une composante assez nouvelle dans son cinéma: l’émotion.
Que veut la folle de la plage?
À l’origine, Madre est un court-métrage sorti en 2017: dans un plan-séquence de 15 minutes particulièrement immersif et stressant, Sorogoyen mettait en scène une jeune mère de famille qui entendait son fils de six ans disparaître au téléphone, probablement kidnappé sur une plage française où son père l’avait laissé sans surveillance… Le cinéaste n’a sans doute pas eu le cœur d’abandonner Elena, son héroïne, sur cette fin insoutenable. Il a donc eu l’idée d’y donner une suite: c’est ainsi que le court-métrage sert ici de scène d’ouverture choc, et que le reste du film nous montre ce que la madre est devenue par la suite. Dix ans plus tard donc, Elena est serveuse dans un bar-restaurant sur une grande plage des Landes. Elle n’a jamais retrouvé son fils Yván, et la plage qu’elle arpente inlassablement lorsqu’elle ne travaille pas est celle où il se trouvait lorsqu’il a disparu. Incapable de vivre ailleurs qu’ici, Elena y fait son deuil depuis 10 ans, comme elle le peut. Notamment en suivant Jean, un jeune garçon de 16 ans qui vient ici en vacances avec sa famille, et qui lui rappelle beaucoup Yván… Comme avec l’acteur Antonio de la Torre dans El Reino, la caméra de Sorogoyen ne lâche pas d’une semelle son actrice principale, la bouleversante Marta Nieto. Mais alors que de la Torre était une pile électrique dans un thriller ultra-rythmé, l’interprète d’Elena est ici tout en retenue et en pudeur, dans un drame lent et contemplatif. Le personnage est comme mort à l’intérieur, et Marta Nieto porte admirablement en elle cette douleur sourde, enfouie depuis des années mais si évidemment incurable. Fine comme une brindille, elle erre comme une âme en peine dans ce décor immense peuplé de touristes, sert ses clients au bar pendant le coup de feu, et laisse la télévision allumée toute la nuit car elle ne dort presque pas. Lors des séquences sur la plage ou dans la ville, le steadicam la suit sans relâche tandis que le choix du grand angle permet de rendre le décor encore plus large et vertigineux. Elena a un petit copain, un espagnol gentil comme tout qui vit vers San Sebastian à quelques dizaines de kilomètres de là. Mais c’est bien de sa relation avec Jean (le jeune Jules Poirier et son jeu très naturaliste) dont il est question dans le film. Très vite, le garçon semble autant attiré par cette mystérieuse femme qu’elle l’est par lui. Mais pourquoi cette attirance entre les deux protagonistes? Le spectateur s’interroge: est-ce son fils qu’elle a retrouvé? Est-ce seulement un garçon qui lui ressemble, un substitut? Peu importe: c’est leur relation présente qui compte le plus. Une relation qui leur fait du bien à tous les deux, mais que les autres ont bien du mal à comprendre…
Un film magnifique sur la résilience et sur la relation mère-fils, sous toutes ses formes. Assurément l’un des films les plus émouvants et les plus marquants de l’année 2020.