La jeune héroïne, Selma, jouée par Zoé Adjani, s’extrait du cocon familial pour vivre sa vie d’étudiante. Née en France de parents algériens, elle n’oublie pas ses racines mais médite à se fondre dans le moule culturel local. Apprentissage de la sexualité, rencontres, le récit du film louvoie entre émancipation et culture berbère dans une époque pas si lointaine où le FIS faisait des ravages en Algérie.
Une jeune femme moderne
La réalisatrice Kamir Aïnouz imagine un récit en tous points iconoclastes. Une famille originaire du Maghreb, vivant à Neuilly, laïque, avec un père avocat et une mère gynécologue, ouverte mais encore désireuse de respecter les traditions. Et l’histoire est située en 1993, période difficile pour l’Algérie soumise à des attentats quotidiens de la part d’une mouvance islamiste grandissante. Selma doit se concentrer sur ses études mais elle est à un âge où les premiers émois sexuels se font entendre. Le milieu parental bourgeois désapprouve le choix de ses études, ses sorties tard le soir et cette libération hors de son contrôle. Même ouverte, la famille reste stricte. La mère de Selma, interprétée par Amira Casar, veut que la jeune femme fasse des études et se marie, les pôles contraires font naitre des tensions familiales. Le parti pris de l’émancipation féminine ne se fait pas sans pudeur, aucune image de nu intégral ne vient phagocyter le récit, belle performance, surtout de nos jours. Les scènes de fête et de coma éthylique soulignent les désirs de la jeunesse de vivre chaque nouveau jour à 100 à l’heure, mises en rapport avec un voyage en Kabyllie chez la grand-mère attentionnée même si lointaine. C’est réaliste et non pas cru, une belle évocation toute en retenue. Les rapports hommes femmes forment un fil rouge au film, entre le père et sa fille, le petit copain et la jeune ingénue, pour bien montrer que certains réflexes ont la vie dure. Une scène de viol assez ardue confronte Selma à la réalité d’un monde magrébin où l’homme a encore la primauté sur le désir de la femme. La jeune Zoé Adjani interprète une jeune femme effrontée mais non point insolente pour une performance qui pourrait en appeler d’autres.
Le fait que l’héroïne soit issue d’un milieu plutôt aisé ne doit pas passer avant cette belle méditation sur les atermoiements de la jeunesse face à une réalité oppressante, entre ici et là-bas.
Synopsis: Selma, 17 ans, vit dans une famille berbère et laïque, à Neuilly-sur-Seine, en 1993. Lorsqu’elle rencontre Julien, un garçon provocateur, elle réalise à quel point les diktats du patriarcat contrôlent son intimité. Alors que Selma décide de découvrir la puissance et les dangers de son propre désir, l’équilibre de sa famille se fissure et la terreur du fondamentalisme émerge dans son pays d’origine.