Avec un tel casting de haut vol et une histoire véridique pleine de trahisons et de rancœurs, le film aurait du, aurait pu être un chef d’oeuvre. Mais avec 2h37 au compteur, le dernier film de Ridley Scott après son récent Le Dernier Duel sorti le 13 octobre seulement succombe à la mode des films qui s’étirent à l’excès avec une immense sensation de remplissage trop souvent inutile. La première heure est virevoltante de maestria, le reste du film multiplie les dialogues sans éclats ni ampleur. Dommage, vraiment dommage.
L’histoire d’un empire qui s’effondre
Gucci a été pendant longtemps une entreprise familiale prospère. Jusqu’à ce que le loup Patrizia (Lady Gaga) s’infiltre dans la bergerie et fonde sur l’agneau Maurizio (Adam Driver) pour le manipuler et n’en faire qu’une bouchée. La perfide a raison de l’héritier innocent et toutes les pièces de l’échiquier tombent les unes après les autres, les deux patriarches Aldo (Al Pacino) et Rodolpho (Jemery Irons) et même le cousin Paolo (Jared Leto). Tant que les manigances restent tapies dans l’ombre, le film multiplie les scènes d’éclats, les fêtes somptueuses et décadentes, les réunions familiales fastueuses, les achats inconsidérés dans les boutiques de luxe, c’est étourdissant et la tête tourne avec une impression de manège enchanté. C’est plus que très réussi. Et puis tout d’un coup, Ridley Scott se calme, il pose son engin et laisse les personnages discourir sans fin dans des plans / contre-plans de débutants. Et le rythme s’étiole peu à peu, comme si le réalisateur avait eu peur de trop en faire et de ne pas laisser une place suffisante aux acteurs. Sauf que le film manque alors substantiellement de peps, les longues discussions prennent la place de la musique qui accompagne divinement le début du film, de quoi faire bailler et regarder sa montre. Les airs disco des années 80 côtoient d’abord les airs classiques italiens de Verdi ou Puccini pour laisser la place au son ennuyeux des paroles échangées sans fin. La réunion d’acteurs prestigieux laissait pourtant augurer du meilleur. Al Pacino en fait des tonnes en gardien de la tradition qui voit son empire lui échapper, Adam Driver est longtemps exceptionnellement discret face à la mante religieuse Lady Gaga, Jared Leto est méconnaissable dans ce rôle d’héritier incapable de répondre aux promesses placées en lui, il est aussi ridicule que touchant. Mais Lady Gaga prend tout d’un coup toute la place, à l’excès peut-être, et le film tombe à plat. Adam Driver figure d’abord une sorte de nigaud qui ne trouve pas sa place, prestation étonnante pour l’acteur qui interprétait encore récemment un ogre autrement plus sinistre dans Annette. Acteurs fidèles à eux mêmes, qui font le boulot, acteurs hollywoodiens, pas très italiens mais comme côté scénario, le film a le bon gout de mélanger anglais et italien, ça fonctionne assez bien, pas comme dans le récent Silence de Scorsese tourné tout en anglais dans un japon ancien. Donc les accents suivent, les puristes critiqueront peut-être, mais les scuzzi et les prego qui s’enchainent, on s’y croirait, une bonne chose pour le réalisme. D’autant que la dolce vita à l’italienne empreint tout le film d’une ambiance bien rendue, les italiens ont la classe et Gucci y contribue dans une large partie. Avant de voir le film, je me suis renseigné sur cette histoire de famille Gucci, cette histoire est digne des plus grands drames du moyen-âge ou des Médicis, de quoi nourrir un scénario qui a juste besoin de suivre la réalité. Le film le fait, d’abord avec maestria, mais l’histoire devait être trop lourde pour le réalisateur qui a baissé de ton pour une absence quasi-totale d’éblouissement visuel après la première heure de film. Même l’arrivée de Tom Ford à la tête des collections en 1994 parait bien fade, c’est un comble pour celui qui a incarné la mode de cette époque.
Beaucoup d’attente pour ce film finalement très frustrant. Un scénariste plus aguerri de la trempe d’un Aaron Sorkin accompagné par la caméra de David Fincher aurait certainement abouti à un résultat nettement plus abouti. Si le film reste un bon moment, il ne côtoie pas suffisamment les sommets, frustrant donc.
Synopsis: Gucci est une marque reconnue et admirée dans le monde entier. Elle a été créée par Guccio Gucci qui a ouvert sa première boutique d’articles de cuir de luxe à Florence il y a exactement un siècle.
À la fin des années 1970, l’empire italien de la mode est à un tournant critique de son histoire. Si l’entreprise rayonne désormais à l’international, elle est handicapée par des rumeurs de malversations financières, une innovation en berne et une dévalorisation de la marque. Le groupe est dirigé par les deux fils du fondateur – Aldo, personnage rusé et haut en couleur, et son frère Rodolfo, beaucoup plus froid et traditionnel.
Pugnace, Aldo n’a pas la moindre intention de céder le contrôle de l’empire à qui que ce soit – et certainement pas à son fils Paolo, garçon fantaisiste qui aspire à devenir styliste. Quant à Maurizio, fils timide et surprotégé de Rodolfo, il a davantage envie d’étudier le droit que de diriger un groupe de luxe mondialisé.
C’est alors que Maurizio tombe amoureux de la ravissante et manipulatrice Patrizia Reggiani et, contre l’avis de son père, décide de l’épouser. Lorsque Aldo se découvre des affinités avec Patrizia, il réussit, avec l’aide de la jeune femme, à convaincre son neveu de renoncer à ses ambitions juridiques pour intégrer l’entreprise dont il devient, de facto, le probable héritier. Ce qui ne manque pas de nourrir la rancoeur de Paolo, dont le talent n’est pas à la hauteur de ses rêves artistiques…