“And I heard, as it were, the noise of thunder
One of the four beasts saying, ‘Come and see.’
and I saw, and behold a white horse“
Un Marvel intimiste à la sauce Clint Eastwood
Après toute une saga riche en effets spéciaux, en combats pharaoniques et en scénarios dantesques, Logan nous offre une facette inédite de l’univers des X-Men. James Mangold montre Wolverine sous un aspect intimiste et esthétiquement simple. Le budget, estimé à 97 millions de dollars, tranche avec les 120 et 150 millions des deux précédents films consacrés au mutant griffu. On ne voit pas l’institut Xavier, il n’est fait référence à aucun des X-Men qu’on a connus ni aux précédents films, ni même Magneto, Mystique, William Stryker, Ichirō Yashida, Deadpool, les Sentinelles, rien. Le film, et c’est un gros avantage, peut se suffire à lui-même, pour peu quand même que l’on ait vu au moins un ou deux films X-Men, dans la mesure où il s’agit d’une suite, c’est logique.
D’ailleurs, rien que dans les crédits d’ouverture, on ressent la rupture drastique avec les précédents films X-Men. Pas d’intro grandiloquente, pas de grand titre avec une police d’écriture classe, les crédits sont en petit en bas à droite dans une police sobre et minimaliste, y compris le titre.
Avec son esthétique western et intimiste, le film évoque clairement Impitoyable et Gran Torino de Clint Eastwood. Jim connait bien ses classiques.
Ça n’aura échappé à personne, Logan s’inspire assez librement des comics Old Man Logan de Mark Millar, Brian Michael Bendis et Steve McNiven. Cet arc met en scène un Wolverine vieillissant, comme dans le film, mais dans un avenir post-apocalyptique contrôlé par les super-vilains (Magneto, Abomination, Docteur Fatalis et Crâne Rouge), et survivant aux côtés d’un Clint Barton/Hawkeye aveugle. Imaginez un peu! S’il n’y avait pas le multivers et que Disney et 20th Century Fox s’étaient arrangés en termes de droits d’exploitation, on aurait peut-être pu avoir Jeremy Renner dans le film!
L’aspect crépusculaire du film prend son sens avec deux détails qui peuvent avoir leur importance.
On entend Johnny Cash. La bande-annonce utilisait Hurt, la reprise de Nine Inch Nails que Trent Reznor reconnaît comme une chanson de Cash et plus comme la sienne, et le film utilise The Man Comes Around dans le générique de fin en guise de clôture. Les deux chansons figurent dans l’album American IV: The Man Comes Around, produit par Rick Rubin, le dernier album sorti du vivant de l’Homme En Noir, un an avant son décès, pour être exact.
Il se trouve aussi que Logan est un des tous derniers films dont Jean-Pierre Dorat a dirigé le doublage français, quelques mois avant de prendre sa retraite.
Même les méchants ne sont pas des gros super-vilains. Wolverine, Charles Xavier, Caliban et Laura sont menacés par un groupe de mercenaires à la solde d’une entreprise pharmaceutique qui fabrique des enfants mutants en laboratoire.
Je rêverais de voir un film Punisher tourné exactement de la même façon, et encore avec du Johnny Cash (La chanson God’s Gonna Cut You Down s’impose)!
Un authentique western
Plutôt que de passer par New York et les villes étrangères, Logan se déroule exclusivement (excepté le Mexique, où se trouve la cachette de Wolverine, Xavier et Caliban) dans l’Ouest américain, du Texas au Dakota du Nord. Le récit en lui-même consiste en une fuite de Wolverine, Charles Xavier et Laura à travers l’Ouest, du Sud au Nord, avec une exploration et une visite de l’Amérique profonde. À part Oklahoma City, pas de grandes villes, que des routes, des motels et le ranch des Munson, une famille dont le patriarche, Will (Eriq Lasalle), a eu un coup de main de Logan et Xavier pour calmer et ramener ses chevaux dans sa ferme et chasser des agents d’une entreprise fermière qui ont provoqué une fuite d’eau pour faire pression sur Will. Le film a d’ailleurs été tourné majoritairement dans des décors naturels et réels. On sent la parcimonie sur le numérique.
Dans sa mise en scène contemplative, une première pour un film estampillé Marvel, ses cadres amples et sa présentation des paysages de l’Ouest, James Mangold tourne Logan comme un western. Le choix de John Mathieson, directeur de photographie régulier de Ridley Scott depuis Gladiator, est bien trouvé. Il travaillera d’ailleurs cinq ans plus tard avec Sam Raimi pour Doctor Strange in the Multiverse of Madness, dont les meilleurs atouts sont la mise en scène et la photographie.
Donald Pierce et sa bande de mercenaires sont montrés en groupe comme des bandits, et face à Wolverine, on se croirait vraiment dans Le Bon, la Brute et le Truand de Sergio Leone.
Un adieu sanglant et funeste
Dans la chronologie classique des X-Men et de Wolverine (exclut donc Deadpool), Logan est le premier et le seul film X-Men classé R, soit interdit aux moins de 17 ans non-accompagnés aux États-Unis et interdit aux moins de 12 ans en France, alors que tous les autres sont classés PG-13. Ça charcute de la barbaque, ça coupe et transperce des têtes, la grenadine jaillit à flots… Logan est un film particulièrement violent et sanglant, déjà qu’il est particulièrement sombre et pessimiste. Déjà dans les comics, Wolverine ne fait pas dans la dentelle, mais dans le film, il est plus hargneux, plus bestial que jamais! La violence ne rend l’adieu à Wolverine que plus déchirant et amer, violence qui est au passage plus éprouvante que dans Deadpool, qui verse dans un gore numérique grand-guignol assez évident, car plus réaliste que dans Deadpool, probablement grâce à des effets pratiques et du numérique mieux maîtrisé.
Wolverine n’est d’ailleurs pas le seul à partir. Charles Xavier aussi tire sa révérence, mais son départ est tellement plus soudain et amer que son compère canadien.
Alors qu’ils sont hébergés chez les Munson pour la nuit, Charles va se coucher, pendant que Logan et Will vont réparer la fuite d’eau près du ranch.
Xavier se réveille et exprime en pleurs sa culpabilité d’avoir accidentellement tué des X-Men et des civils à Westchester, incident à l’origine du contexte du film, et ce à ce qu’il pense être Logan à son chevet, alors que c’est son clone engendré par le Dr. Zander Rice (Richard E. Grant), X-24, et ce dernier le tue brutalement en plantant ses griffes dans le cœur du vieillard télépathe.
D’ailleurs, lorsque les personnages qui sont du bon côté meurent, à part Caliban qui se fait sauter le caisson avec deux grenades pour se tuer avec Donald Pierce et ne plus servir à mettre les mutants en danger, ils ne sont pas épargnés par la dureté. Charles Xavier succombe à ses blessures après avoir été poignardé au flanc, les Munson sont égorgés ou étripés et Logan est transpercé.
Le propos sur la discrimination contre les mutants n’est plus, l’ère des mutants est morte avec Charles et Logan. Il n’est plus question non plus de l’utilisation de ses pouvoirs de mutants et les conséquences d’un usage malveillant. Logan questionne sur la vieillesse, avec un Charles Xavier dont la sénilité est vraisemblablement à l’origine de la disparition des X-Men, à cause de ses crises qui lui font perdre le contrôle de ses pouvoirs, et avec un Wolverine qui meurt à petit feu à cause de l’adamantium qui lui a été injecté par William Stryker.
Le noir et blanc, un vrai parti pris artistique
George Miller a fait très fort avec Mad Max Fury Road Black and Chrome.
Ici, nous avons Logan Noir. Les plus cyniques diront que c’est un délire élitiste, or il n’en est rien. Il ne s’agit pas d’une simple conversion de la couleur au noir et blanc avec un filtre comme peut le faire n’importe quel pékin en deux clics dans l’appli Photos de son iPhone ou sur Instagram. L’étalonnage en noir et blanc est pensé avec autant de sérieux et d’inspiration que la couleur par un directeur de photographie sur un tournage.
Outre l’intro de la 20th Century Fox à l’ancienne et le carton de présentation « 20th Century Fox Presents: A CINEMASCOPE Picture » (Oui, Logan a été tourné en Cinemascope) pour rendre hommage aux westerns en noir et blanc des années 50, le noir et blanc de Logan, parfois granuleux, offre une toute nouvelle dimension au film de James Mangold, accentuant l’aspect décrépissant du récit et des personnages. La dimension vieillissante de Wolverine et Charles Xavier devient bien plus palpable, ainsi que la vacuité naissante de leur présence dans un monde au sein duquel ils n’ont plus leur place.
Conclusion
Après une ultime aventure, James Mangold nous incite à dire adieu à une légende qui nous a accompagnés pendant 17 ans. Ça a été une assez dure épreuve pour les fans de la saga X-Men et surtout du personnage de Wolverine tel qu’incarné par Hugh Jackman. Le film a le mérite de prendre le contrepied des films de franchise qui font appel au fan-service et à la nostalgie pour le fan qui peine à lâcher son doudou avec une atmosphère dépressive voire délétère, ce qui ne le rend que plus impactant.
J’avais encore 15 ans, mon père m’avait emmenée le voir au cinéma un dimanche après-midi (On a tous le blues du dimanche après-midi, parce qu’il y a école le lendemain), je suis ressortie chamboulée.
“And I heard a voice in the midst of the four beasts
And I looked, and behold a pale horse
And his name that sat on him was death, and hell followed with him“
Synopsis
Dans un futur proche, les mutants ont presque tous disparu. Il ne subsiste que Wolverine (Hugh Jackman), qui vit comme chauffeur de limousine et protège avec l’aide de Caliban (Stephen Merchant) dans un repaire secret dans le Nord du Mexique un Charles Xavier (Sir Patrick Stewart) complètement sénile et sujet à des crises intermittentes qui l’empêchent de contrôler ses pouvoirs. Mais Logan se retrouve à devoir protéger une jeune fille, Laura (Dafne Keen), une mutante dotée de pouvoirs similaires aux siens, d’un groupe de mercenaires menés par le redoutable Donald Pierce (Boyd Holbrook).