Porté par le buzz autour du comeback fracassant de Brendan Fraser, le film de Darren Aronofsky (Requiem for a dream, Black Swan) The Whale arrive sur nos écrans précédé par des éloges quasi unanimes. Sauf que son héros Charlie alourdi de 200 kilos (merci les prothèses pas très discrètes) est à la limite de la caricature de l’américain moyen s’empiffrant de nourriture à l’excès. Docteur en littérature, professeur mais aussi mangeur maladif, Charlie reste cloitré chez lui, mange des pizzas et se coupe de la société, donnant des cours en ligne avec son visage caché. Chouchou des blockbusters des années 2000 (La MomieGeorge de la jungle, Voyage au centre de la Terre), Brendan Fraser doit de dépatouiller avec un pitch à sens unique, avec certes beaucoup d’émotion mais un genre cinématographique qui convient moins au sujet que la mise en scène théâtrale initiale.

Un film qui reste sur l’estomac

Le cinéma américain aime les outsiders qui doivent lutter contre les préjugés et les coups du sort pour gagner leur légitimité. Kevin Spacey le faisait déjà très bien dans American Beauty, Sylvester Stallone s’y est essayé dans Copland, Adam Sandler a endossé ce rôle convaincant dans Punch-Drunk Love, ce genre de film est une vraie spécialité américaine, basé sur une énorme émotion suscitée à tout prix et un jeu d’acteur qui se veut l’atout indéniable. Pour ne rien, gâcher, Brendan Fraser porte quelques casseroles, carrière et physique ruinés suite à des surentraînements successifs, agression sexuelle en 2003 et présence minimale au cinéma depuis plus de 10 ans. Son comeback fait donc d’autant plus plaisir. Sauf que le surpoids du personnage est quelque peu excessif, à la limite du sketch avec ce ventre qui descend au niveau des genoux. Et puis le personnage de Charlie collectionne vraiment beaucoup de casseroles, ce qui nuit à une émotion jetée au visage des spectateurs avec presque une obligation de larmes formatées. L’obésité morbide a été causée par la mort de son jeune amant, lui qui est professeur et qui a quitté femme et fille suite à cette aventure. Le pitch rappelle sans cesse la fascination de Charlie pour l’ouvrage Moby Dick dans d’incessantes références répétées et téléphonées. Les visites de plus ou moins proches se succèdent à son chevet, un jeune apôtre d’une congrégation religieuse, un livreur de pizza, une amie dévouée, sa femme et sa fille pour un rendu théâtral souligné par le huit clos d’un appartement mal rangé. Le film est d’ailleurs bel et bien l’adaptation d’une pièce de théâtre écrite par Samuel D. Hunter comme une réflexion sur la condition humaine avec des personnages cabossés qui doivent surmonter les erreurs du passé. Le film n’est pas porté par un seul outsider mais par plusieurs personnages qui trouvent en eux-mêmes des ressources insoupçonnées par la grâce d’interactions salvatrices avec d’autres protagonistes qui les aiment suffisamment pour les aider à se relever. L’auteur de la pièce a du se replonger dans son histoire personnelle pour écrire le scénario, rappelant que plus de 40 % des américains souffrent d’obésité, avec l’effet délétère que l’on peut imaginer sur les relations sociales et la frustration émotionnelle occasionnée. Et sur la santé. Le héros souffre d’insuffisance cardiaque, sa tension atteint des sommets et il peut mourir de sa condition mortifère engendrée par un chagrin qu’il n’a jamais eu le courage d’affronter. La mort est d’ailleurs certainement recherchée, telle une inéluctable punition. Charlie souffre du syndrome d’hyperphagie incontrôlée dû à l’état dépressif pour une autodestruction par la nourriture rappelant les affres de La Grande Bouffe. Le mélodrame est assumé, peut-être un peu trop pour ne pas lasser. A noter que la fille du héros de The Whale est interprétée par Sadie Sink, révélée dans la série Stranger Things, pour les fans de la série.

Le film se veut suffisamment puissant pour assumer le statut de machine à Oscars. Le héros est larmoyant et suicidaire, il doit bretter contre tous ces intervenants qui remettent en cause son addiction à la junk food sans vraiment la comprendre et donc trouver les mots justes pour le toucher. Le réalisateur aime être extrême, comme il l’a parfaitement prouvé dans l’éblouissant Mother!, ça ne fonctionne pas toujours, ce parti pris de l’émotion à tout prix touche ici ses limites.

Synopsis:
Charlie, professeur d’anglais reclus chez lui, tente de renouer avec sa fille adolescente pour une ultime chance de rédemption.