Deux films vus récemment, très différents mais tous les deux très cinématographiques. Une histoire de paranoïa dans Furie avec cette famille retenue hors de chez elle par la faute de squatteurs sans vergogne, une histoire vraie de Mafia dans le Traitre avec le toujours excellent Pierfrancesco Favino grimé en repenti de la mafia à l’origine de 366 arrestations dont le parrain Toto Riina. Des raisons de voir ces films, il y en a, et beaucoup!

Furie, une histoire vraie flippante à souhait

Le réalisateur Olivier Abbou s’est basé sur une histoire vraie de famille incapable de rentrer chez elle. Si les habitants du village ont réussi dans la vraie vie à déloger les intrus par la manière douce, il prend plutôt ici le parti d’imaginer un drame plus horrifique. Tout le début du film suit cette famille tranquille que ni la justice ni la police n’aident pour récupérer leur bien. Le film interroge sur l’incapacité de l’état à aider ses honnêtes citoyens en multipliant les embuches administratives ubuesques, voire dignes de Kafka. Le héros trouve en la personne d’un ancien ami de sa femme une porte de sortie dans laquelle il va pourtant finir par se faire broyer les doigts (c’est une image). Si le spectateur est d’abord à fond derrière l’infortuné prof d’histoire, le film se transforme petit à petit en thriller horrifique, ce qui peut expliquer son interdiction aux moins de 16 ans. L’histoire commune du couple se révèle, les non-dits se font jour tandis qu’une musique techno aussi sympa qu’assourdissante de Clément Tery prend de plus en plus de place. Pas de monstres cachés dans les placards ou d’esprits malin, le film se veut résolument réaliste avec une petite bande de gars à la marge qui décident de se faire justice. La violence est parfois à la limite de l’insoutenable mais sans jamais verser fort heureusement dans le gore. De quoi laisser penser que le cinéma français est capable de surprendre avec un film qui ne changera pas la face du monde mais alterne avec art entre critique sociale et opus gentiment anxiogène. Ce n’est pas désagréable, surtout avec un casting porté par Adama Niane, Stéphane Caillard et Paul Hamy tous excellents. Oui, il est possible de faire du cinéma hors des sentiers battus à l’intérieur de nos frontières, la preuve. Je ne m’étendrai pas sur les maladresses du film, il y en a, mais rien d’irrémédiable et la partie est gagnée, on est tour à tour outré et horrifié.

Le traitre, un film de Mafia comme on les aime

L’acteur Pierfrancesco Favino représente à lui-seul, et ce depuis déjà de nombreuses années, ce qui se fait de mieux dans le cinéma Italien. Depuis ACAB, Suburra, Rush ou Les confessions, le spectateur a pu se rendre compte qu’il fait plus que remplir tout l’écran avec sa gueule burinée et sa gestuelle ritale. Il interprète ici Tommaso Buscetta, membre de Cosa Nostra celui par qui tout l’édifice s’est effondré grâce à ses révélations. Le nom de Toto Riina doit parler à ceux qui se souviennent de celui qui a commandité l’assassinat des juges antimafia Giovanni Falcone et Paolo Borsellino de manière spectaculaire à deux mois d’intervalle en 1992. Le film montre comment Tommaso, sous le prétexte de défendre l’honneur ancestral de la mafia, se retourne contre ceux qui, selon lui, ont bafoué ces valeurs. Le film accumule les morts et les victimes de Riina dans un rythme de thriller épileptique avant que celui-ci ne s’apaise pour verser dans la guerre judiciaire légèrement soporifique. Le réalisateur du très bon Vincere sur la jeunesse de Mussolini, Marco Bellochio , livre ici une récit qui tient en haleine par la grâce d’interprètes en état de grâce. Les crapules abondent dans ce récit qui montre autant la collusion entre les mafieux et les politiques que le destin d’un homme qui se bat pour une cause perdue. Le film est long mais vaut la peine malgré quelques passages à vide.