Alors que la télé-réalité est devenue monnaie courante à notre époque, elle ne l’était pas encore en 1999 quand Peter Weir sortit « Truman Show ». Et pourtant, ce film était annonciateur de nombreuses choses sur celle-ci.

Truman Burbank vit une vie idyllique dans sa petite ville entre son métier d’assureur, sa femme et sa mère. Pourtant, il sent que quelque chose ne tourne pas rond. Un jour, il va se rendre compte de la supercherie de celle-ci…

Le début du film est clair sur les intentions de Weir : aborder l’existence de Truman comme une illusion maintenue par Kristof, réalisateur de télévision qui se prend pour un père spirituel pour Truman, aussi bien dans le sens parental du terme que religieux. Weir en profite d’ailleurs pour installer dans sa mise en scène de nombreuses caméras cachées, nous introduisant à Truman comme un spectateur de son émission. Petit à petit , sa caméra va s’ouvrir de manière plus « réelle » au fur et à mesure que notre héros se rendra compte de la supercherie, au point de même s’ouvrir au monde extérieur par instants.

Cette ouverture au monde extérieur offre d’ailleurs une autre profondeur au récit. En effet, celui-ci peut être vue comme une représentation du mythe de la caverne. Dans celui-ci, des personnes ayant vécu toute leur vie enfermées et éduquées d’une certaine manière se voient confrontées à la réalité d’une d’entre elles sortie en dehors de leur caverne. Truman est donc logiquement cet individu qui est confronté à l’irréalité de son existence et devra au final choisir entre son monde parfait d’illusion ou l’extérieur tout aussi tentant que potentiellement dangereux. Mais cela peut aussi se lier aux spectateurs du show, enfermés dans le spectre télévisuel en tant que spectateurs passifs qui ne cherchent qu’à trouver du divertissement sur petit écran. La télévision peut ainsi autant créer des liens (les clients du bar) qu’éloigner de tout aspect social (cet homme avec un écran face à sa baignoire). La solitude existentielle de Truman est donc partagée d’une certaine manière par ses spectateurs.

Ce qui fait le succès de l’émission selon Kristof est la sincérité de Truman. En effet, il semble que l’audience cherche à trouver du réalisme dans l’artificialité du spectre télévisuel. Difficile de ne pas y voir une critique du manque de qualité d’une certaine production grand public, destinée à divertir et occuper l’espace de cerveau nécessaire sans réflexion aucune. L’utilisation d’outils visuels ou sonores multiples par Kristof tente de conforter la sensation de réalisme pour les spectateurs de l’existence de Truman. Mais est-ce que la vie peut être mise en scène ? N’est-ce pas son imprévisibilité qui la rend si unique ? Il devient amusant alors de voir que la télévision est donc au final le reflet de notre société. Cela peut être positif, en ce qu’elle peut nous en montrer ses travers et nous confronter aux problèmes que nous nous devons de régler. Mais cela peut être également négatif quand celle-ci se voit biaisée et nous conforte dans une certaine médiocrité intellectuelle , où des actes dégradants peuvent être commis pour « l’art du spectacle »…

« Truman show » reste donc à ce jour une des critiques les plus passionnantes, autant de la télévision que de notre société, tout en annonçant les dérives multiples que connaîtra le petit écran. Voir ce film, c’est faire face au reflet de notre monde et au fait qu’il est prêt à vivre une vie par procuration plutôt que de profiter de la sienne…