Le jour où j’ai approché le cinéma de Xavier Dolan, celui-ci m’a attrapé, secoué dans tous les sens. Il m’a écrasé la tête contre un mur plusieurs fois, jusqu’à me mettre face à certaines réalités. Ce réalisateur m’a ému pour la première fois avec son adaptation de Juste la fin du monde et les thématiques qu’il traitait m’ont immédiatement parlé. C’est avec une certaine évidence que d’autres morceaux de sa filmographie m’ont procuré des effets similaires. Le canadien a gagné chez moi une sorte de respect et d’immunité de par la carrière qu’il a déjà accompli. Jamais je ne pourrai revoir mon jugement sur l’ensemble de l’univers Dolanien à cause d’une déception tant je le sais capable de me toucher comme rarement le cinéma y est parvenu.

C’est donc avec certaines attentes qu’un jeudi 28 février de l’année 2019, je me retrouve à une avant-première de Ma vie avec John F. Donovan. L’équipe du film a présenté cette réalisation non pas sans émotion. Comment vous parler de ce film tant il y a dire, tant je ne sais comment l’approcher, tant les mots justes sont difficiles à trouver?

Tout d’abord, il y a eu cette bande annonce, comme pour venir rassurer les plus craintifs. « Hé! N’aie pas peur, regarde, ce film est tout à fait dans la continuité de ma filmographie, je parle du lien maternel, de l’homosexualité, de jolies couleurs et une bande originale qui va te faire croire que tu regardes une chaîne de clips à gros budgets! ». Malheureusement, j’ai décidé d’y croire, d’imaginer que mon chouchou prodige parviendrait à tordre le Holywood des vendus afin de réaliser le plus beau film de sa carrière.

L’affiche française de Ma vie avec John F. Donovan

Un film avant tout frustrant

La musique de John F. Donovan m’a immédiatement surpris. On imagine bien que Xavier Dolan a voulu garder la recette magique, avec des séquences jouissives. Seulement, je n’ai ressenti que de la déception à chaque fois qu’une musique intéressante parvenait à mes oreilles. Quel est l’intérêt de nous montrer des scènes festives magnifiques sur fond de Woodkid dans la bande annonce pour les voir sur le grand écran avec une musique mille fois oubliable?

De la même manière, quel est l’intérêt de sortir le grand jeu lorsque l’image ne sert plus aucun propos? J’entends par ici que le réalisateur nous avait habitué à autre chose. Plus tôt dans sa carrière, il proposait Wonderwall de Oasis, Natural Blues de Moby ou encore Pass this on de The Knife mais afin de servir un propos ( et d’une si belle justesse! ). Ici, jouer Rolling in the deep afin de présenter le cadre spatial et John F Donovan ne présente aucun tour de force, on ne reconnaît plus la certaine alchimie qui faisait la force de ses œuvres du passé.

Ce profond dérangement que j’ai pu ressentir face aux choix musicaux m’a moi-même dérangé. En effet, je pense que c’est dans ce point précis que ce film se fera écraser la tête contre un mur plusieurs fois, jusqu’à obtenir les pires notes presses pour une production du réalisateur. Je ( et probablement vous aussi ) ne suis pas allé voir un film au cinéma mais la suite de ce que l’univers du canadien avait à nous proposer. A force d’évoluer au milieu des étoiles, Xavier Dolan subira sans doute des milliers de critiques pour avoir proposé un film au niveau des nuages, un film qui aurait été un succès sans nom si il avait été réalisé par un inconnu.

Tout laisse à penser que ce film sera historique dans la carrière de Xavier Dolan de par le fait qu’il servira d’exemple à ce qui ne fonctionne pas. Les conditions de tournage, s’adapter au tournage d’un film en langue étrangère, produire un film avec un casting star… A travers l’image, nous pouvons sentir la profonde frustration et l’épuisement du réalisateur.

Photo du réalisateur en plein tournage de son premier film en langue étrangère

C’était sans doute un pari risqué, trop grandiose pour être raconté en à peine deux heures. L’histoire tente avec plus ou moins de succès de relater une histoire qui se passe à deux époques différentes avec des arcs narratifs presque indépendants l’un de l’autre. Le film présenté traite de l’enfance, du regard des autres, de l’accès à la célébrité, l’homosexualité ( évidemment ), le retour difficile dans les contrées familiales ( évidemment ), la difficulté à articuler ces différentes façons de se comporter, bref, on a de quoi faire quelques saisons pour une série Netflix. Prenons également en compte que le réalisateur a du revoir le montage de son film car il était nettement trop long…

Mais une oeuvre tout de même qualitative

Seulement, le film est doté de sérieuses qualités qu’on pourra difficilement critiquer. La plus évidente est celle de la direction des acteurs. Seul ceux qui auront vu ce dernier long-métrage pourront comprendre à quel point je pèse mes mots lorsque je dis que l’acteur qui interprète Rupert Turner à l’âge enfant est fabuleux. La scène la plus réussie du film, qui restera dans ma mémoire en tout cas, est celle avec Rupert joué par Jacob Tremblay et sa mère ( Natalie Portman, rien que ça! ) lors de la diffusion de la nouvelle saison de sa série préférée, un pur moment jouissif. Mis à part l’acteur vedette, Kit Harington, un poil trop dans la retenue, comme détaché du film dans lequel il joue, nous ne pouvons que saluer le talent de direction des acteurs que possède Xavier Dolan.

Jacob Trembley et Natalie Portman lors d’une des plus belles scènes du long-métrage

Un autre élément récurrent dans l’œuvre du réalisateur et qui est toujours aussi intéressant à analyser avec ce film est la couleur. Un style en totale adéquation avec l’époque, les costumes, qui vient parfaire la beauté de l’image projetée à l’écran. C’est une réelle qualité parfaitement maîtrisée au long de ces deux heures!

Mais si malgré tout cela, on a tendance à trouver que le film se perd en allant dans trop de directions, un message scintille bien plus que les autres. Comme le disait le réalisateur en interview, la fiction a peut sans doute rattrapé la réalité. L’histoire est originale, écrite par Xavier himself, et cela se sent. Ce film transpire l’ode à la création, il parvient à transmettre une inspiration générale. Voir le monde du cinéma de l’intérieur et de l’extérieur, les acteurs de cette sphère qui se battent pour y entrer, y rester… la lettre d’amour de Xavier Dolan à la création et l’imagination est d’une poésie et d’une beauté remarquable.

Un avis en quelques mots…

En conclusion, ce film est regrettable. D’une part, nous pouvons nous attendre qu’à une vague de critique et d’articles qui se focaliseront sur la comparaison et sa cohérence dans la filmographie du réalisateur. Mais d’un autre côté, il est à noter que l’œuvre en elle-même n’est pas mauvaise, elle donne de la matière à de nombreux débats. Pour ma part, je ne retiendrai que le meilleur de ce film, à savoir une réalisation parfaitement gérée et la beauté de la création. Pour les défauts, je laisse la place aux autres critiques pour vous les rappeler pendant ces prochaines semaines…

Merci Mr. Xavier Dolan pour ce film, j’attends avec impatience votre retour aux sources.