Bonjour à tous !

Aujourd’hui je vais vous parler d’un film qui change des films que j’aborde habituellement. Une véritable expérience cinématographique aussi malsaine et terrifiante que géniale, je parle de Funny Games !

Funny Games est un film autrichien réalisé par Michael Haneke. Michael Haneke est un réalisateur autrichien à qui nous devons des films comme Le Pianiste, Amour ou encore Le Septième Continent.

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Je précise que je ne vais parler ici que de l’original et non du remake de 2008 Funny Games US réalisé par le même Michael Haneke, je pense qu’étant un remake plan par plan de l’original, il n’y a pas beaucoup d’intérêt à le traiter dans cet article !


L’histoire de Funny Games est la suivante : 

Un jeune couple, leur fils et leur chien partent en vacances dans leur maison de campagne près d’un lac. En passant devant la maison de leurs voisins, ils s’étonnent de la présence de deux jeunes gens. À peine arrivés dans leur propre maison, l’un de ces deux jeunes vient leur demander un service

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Il va se comporter avec une grande politesse, mais son attitude suscite un certain malaise : ayant pris en main le portable de la mère, il le laisse tomber, par « maladresse », dans l’évier rempli d’eau. Les deux intrus vont lentement adopter un comportement de plus en plus violent et prendre cette famille en otage…

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Analyse : 

Le film est un des plus malsains que j’ai pu voir. Il est extrêmement long et violent moralement. Mais commençons par le commencement. Au départ, nous observons cette charmante petite famille dans leur voiture en train d’écouter un peu de musique classique. Puis, brutalement, la musique passe a une espèce de trip hardcore qui contraste forcément avec les images paisibles que l’on nous montre. L’ambiance de la première partie est assez lourde. C’est très lent, il ne se passe rien et nous attendons de l’action. C’est à ce moment là qu’Haneke nous piège. Il veut, à travers ce film, nous critiquer, nous mettre face à nos comportements d’occidentaux privilégiés, critiquables et loin de tout angélisme. En confrontant une famille lambda à de jeunes perces produits par la même société, il montre les deux versants d’une même réalité. Ceux qui se drapent (malhonnêtement) dans leur vertu et ceux qui assument la violence inhérente à notre société, et la reproduise. La société de consommation nous donne envie de visualiser de l’action, de la violence, nous transformant en voyeurs pervers. Haneke nous le fait savoir pendant tout le film par des brasages de quatrième mur continuels et très malsains.

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Le Quatrième Mur et l’intention d’Haneke :

Dans le film, l’un des deux tueurs brise continuellement le quatrième mur pour nous rappeler le message du film. Il nous demande si l’on en veut plus, si l’on veut les voire mourir ou non. Ces allusions rendent le film profondément malsain. On se sent mauvais pendant le visionnage du film et c’est ce que veut Haneke. Nous détestons ce que nous regardons mais nous sommes obligés de le regarder. Haneke fait tout pour nous obliger à rester, avec cette longueur interminable, et une intrigue à laquelle il ne donnera d’ailleurs jamais la réponse, à savoir : Pourquoi font-ils cela ? La vrai réponse d’Haneke est : Pour la même raison que celle pour laquelle vous regardez ce film, pour s’amuser. Et c’est là que l’oeuvre prend tout son sens. Le tueur nous montre notre rôle dans l’histoire, il nous montre que sans nous, rien ne se serait passé avec des phrases comme :

On va jouer un jeu. Vous, vous pariez que demain matin à 9h vous êtes encore vivant, et nous, on parie l’inverse ? Ça vous va ?

C’est un peu court pour un long-métrage n’est ce pas ? Vous voulez une fin digne de ce nom ?

Nous voulons régaler le public !

Il nous critique et nous accuse de regarder ce film ! Il accuse le public dans une attitude déconcertante de voyeurisme. En matière de perversité, c’est du grand art. Il faut également féliciter Haneke pour la mise en scène de toute cette mascarade qui ne visait qu’a nous auto-flageller.


La Fiction : 

Le film oscille énormément entre le réel et la fiction. Les deux tueurs parleront d’ailleurs de cette limite à la fin du film. En effet, pendant tout le film, on ne sait si cela est vrai. Un personnage se fait appeler Pierre, puis dans une autre scène celui-ci s’appelle Tom. Enfin, l’exemple le plus flagrant de cette fiction est à la fin, où le tueur remonte le film à l’aide d’une télécommande, ce qui montre le passage à la fiction. Elle est d’ailleurs justifiée par la décontraction du personnage de Paul. Paul, tueur sans âme, n’est même pas effrayé lorsqu’il entend un coup de feu. Celui-ci continue la préparation de son sandwich puis va voir ce qui c’est passé. Il sait que ce n’est pas grave car il sait qu’il est dans une fiction, un film qu’il peut modifier comme bon lui semble. Nous sommes alors dépendant de ce personnage malsain.


L’ambiance :

L’ambiance du film est atrocement horrible et ce n’est pas un euphémisme ! Les tueurs sont calmes, ils arborent une décontraction palpable et utilisent un discours faussement naïf qui rend le spectateur totalement dubitatif. On ne comprend jamais ce qu’il veulent faire, quel est leur but et cela nous met dans une tension extrême. Entre les « Jeux » horribles que font subir le duo à la famille et la longueur du film, on est plongé malgré nous dans une spirale infernale. La quintessence de l’horreur arrive au moment où, après être partis pendant au moins 20 minutes de film, les deux tueurs reviennent pour « Rejouer » !  C’est ainsi qu’Haneke nous montre la souffrance encore et encore. Dans cette idée, il nous montre même tout à la fin le personnage du tueur, parti dans une maison voisine pour demander des œufs, comme au début du film, ce qui nous montre le cercle vicieux dans lequel il nous a embarqués.

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Les Personnages :

Les personnages sont imaginés pour nous manipuler. De la famille modèle aux tueurs sans cœurs, tout est fait pour nous faire tomber dans un piège. Les deux tueurs ont des motivations totalement inconnues et ils en jouent. Ils nous racontes plusieurs « versions » possibles de leur histoire, aucune n’est vraie évidemment. Ils jouent également avec notre perception du bien et du mal en nous disant :

Je sais que vous êtes de leur coté

Tout cela est horriblement bien pensé. Dès la première minute du film, nous sommes piégés par Haneke qui nous montre une vraie souffrance insoutenable. Le duo de tueur me rappelle étrangement les personnages des Droogies d’Orange Mécanique. Les deux films sont assez similaires même si leurs messages sont totalement différents. Quand Kubrick critiquait une société décadente, Haneke nous critique nous : public en demande perpétuelle d’horreur et de violence. Il veut nous rendre encore plus pourris que ces tueurs.

La présence d’un enfant dans le film fait toute la différence car Haneke sait que l’on sera d’avantage touché par l’enfant que par le reste des personnages.

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Il joue ainsi avec nos sentiments les plus profonds, notamment dans une course poursuite entre le tueur et l’enfant. Course poursuite qui sera d’ailleurs, comme tout le film, très lente.

En violant l’intimité de la famille, les tueurs violent également la notre en influençant notre perception de l’histoire. Les tueurs font de nombreux syllogismes comme :

Renverse lui une casserole d’eau sur la tête, mais n’abime pas le tapis

Cela nous rend totalement circonspects et c’est le but. Pourquoi ne veut-il pas abimer le tapis ? Pour reprendre une phrase de Quentin Dupieux, je répondrais : No Reason. C’est exactement ce qui caractérise ce film : No Reason. On ne saura jamais si les tueurs sont fous ou totalement sains d’esprit.


L’inexorable destin : 

Il y a cette idée du destin dans le film. En effet, les personnages sont tout le temps ramenés à leur destin. Les tueurs partent mais finissent par revenir par la faute de la mère. Celle-ci arrive a en tuer un mais l’autre remonte le temps etc… Quoi qu’il se passe, lls vont mourir, mais cela, Haneke ne nous le fait comprendre qu’à la fin, pour que nous restions devant le film jusqu’au bout.


La mise en scène : 

Haneke utilise ici des plans longs, sans mouvements de caméra particuliers. On retrouvera de longs plans séquence, notamment dans la scène où le couple réalise ce qui vient de se passer. Les brisages de quatrième mur se font par des regards face-caméra qui rendent la mise en scène encore plus au service du message du film.

Il faut saluer tout de même la mise en scène et la façon qu’a Haneke de nous rendre complice de l’histoire.

J’en ai maintenant terminé avec ce film malsain ! Je vous conseille de le regarder si vous ne l’avez pas vu !

Bonne Journée à tous sur Culturaddict !