Liam Debruel, rédacteur pour « Culturaddict« 

La saga  Mission Impossible  est à part dans le domaine de l’action. En effet, si la tête d’affiche reste en permanence Tom Cruise, les réalisateurs qui se sont attelés dessus apportaient chacun un style qui leur est propre. Brian De Palma nous a offert un récit d’espionnage avec sa mise en scène reconnaissable tandis que John Woo avait joué de l’action sur-iconisée, déifiant Tom Cruise dès son apparition. Une tournure intéressante fut celle du troisième volet, réalisé par JJ Abrams.

Ethan Hunt s’occupe désormais d’entraîner de jeunes recrues de l’agence Mission Impossible. Lorsque l’une d’elles se voit capturée, il va devoir reformer une équipe pour aller la sauver. Malheureusement, tout ne se passe pas comme prévu…

Passage Télévisuel

Le fait que  Mission Impossible  soit le premier film de JJ Abrams est assez amusant étant donné le passé télévisuel du réalisateur. Ce passé, il ne le reniera guère, que ce soit en reprenant dans le générique l’image de l’allumette propre à la série originale, l’utilisation par l’absurde d’un MacGuffin ou l’apparition de Keri Russell, star de sa première série Felicity , comme symbole de son passage du petit au grand écran. Sa mise en scène s’élargit également, notamment par des mouvements de caméra qu’il ne pouvait se permettre avant.

Humanisation du héros

Le plus intéressant néanmoins est la tournure qu’il fait prendre au personnage d’Ethan Hunt. Loin du surhomme tel que l’a représenté Woo, il le replace dans un contexte plus humain et plus fragile. Il suffit de voir une des premières scènes du film (une soirée avec la famille de sa compagne) où la caméra effectue un montage rapide mais assez lisible, telles des photos prises lors d’un événement. Lorsqu’il se voit recontacté par son agence, c’est par le biais d’un appareil photo qui partira évidemment en fumée. Tout cela fait sentir le fait que Hunt cherche une forme de normalité mais que son métier ne peut permettre.

Parasitage du quotidien

C’est ainsi que les scènes d’action, réjouissantes et amusantes en soi, se voient parasitées par le quotidien, comme lorsque Luther et Hunt discutent de sa situation maritale en pleine mission. On est touché par Ethan qui souffre de la perte d’une camarade et qui ne peut en parler frontalement à sa compagne, de par la nature secrète de son emploi. Si les films aiment à représenter le côté « glamour » de l’espionnage, ils en oublient les personnes derrière ces héros. JJ Abrams, lui, manie ce revirement avec brio.

Fragilité physique

En ce qui concerne le divertissement, il est fortement présent mais n’hésite pas à se montrer dur. On pense à la scène d’introduction ou encore au décès d’un personnage dans un hélicoptère. Les coups se font sentir, tout en happant son public dans le spectacle créé. C’est ainsi qu’un long plan suit Ethan Hunt qui court, de manière certes rapide et physiquement impressionnante (du moins pour les personnes paresseuses comme moi), mais cette course en avant n’est pas vaine, elle porte une urgence dans sa situation qui la rend plus palpable et donc plus forte.

Mission Impossible 3  est donc loin d’être un banal film d’action. C’est certes un divertissement mais qui est replacé par son réalisateur à une échelle plus humaine, le rendant en cela plus proche de nous. On y sent l’envie de cinéma d’un jeune réalisateur qui marque de sa patte une saga qui semble tourner vers quelque chose de moins unique (cf le retour de Christopher McQuarrie pour le sixième volet alors qu’il a déjà fait le cinquième). Croisons les doigts pour que les Mission impossible  ne tombent pas dans la perte d’identité de mise en scène comme ce fut le cas pour d’autres séries de films à gros budget …

Jérémie Amsallem, rédacteur pour « Le cinéma avec un grand A » et ami de Liam Debruel

À titre personnel je considère Mission Impossible 3 comme le meilleur opus de la saga. Pour plusieurs raisons, notamment d’un point de vue scénaristique. Il s’agit d l’épisode le plus travaillé, il regorge de twists plus surprenant les uns que les autres. Certains regretteront l’utilisation du McGuffin qu’est la « patte de lapin » mais le procédé est tout de même efficace et le scénario bien articulé autour. Il y a aussi beaucoup de procédés novateurs dans le film, par rapport aux épisodes précédents et aux films d’action en général (les micro-explosifs) entre autres. C’est là où l’on reconnaît réellement la patte d’Abrams qu’on retrouve dans des séries télévisées avec ses scénarios complexes remplis de twists plus surprenants les uns que les autres.

Mission Impossible 3 se démarque aussi par sa profondeur et le travail de fond de ses personnages. Ethan Hunt n’est plus le super-héros qu’il était dans les films précédents. On a ici un homme limité, torturé et qui questionne le bien fondé de son travail. De l’autre côté, on a aussi le meilleur antagoniste de la saga, Davian, interprété par Philip Seymour Hoffmann. Le personnage a un parcours classique de criminel, pourtant il est terrifiant de par sa cruauté et sa froideur, notamment lors de l’opposition finale entre Hunt et Davian, réellement un des points d’orgue la saga.

L’un des autres points réussis du film et qui le démarque des épisodes précédents est la manière dont est traitée la violence. Abrams insiste sur la brutalité et ajoute une dose de réalisme dans la saga qui manquait cruellement dans l’épisode de John Woo. En effet, Mission Impossible 3 se rapproche bien plus d’un film Jason Bourne que des épisodes précédents. Abrams insiste beaucoup plus sur l’aspect espionnage que sur l’aspect action même si celle-ci est présente. Il y a beaucoup de scènes qui rappellent Jason Bourne d’ailleurs dans le film. On constate la présence de multiples courses poursuites. À noter que l’on aussi l’une scènes d’action les plus impressionnantes de la saga avec l’attaque sur le pont de la Bay Chesapeake où Abrams démontre toute sa maîtrise de la caméra. Pour un premier film au cinéma, le pari est vraiment réussi.

En conclusion, Mission Impossible 3 est un blockbuster intelligent qui fait évoluer la saga et qui la diversifie. Au final on a un parfait compromis entre le film d’espionnage de De Palma et le film d’action de John Woo. Ajoutez à cela la patte scénaristique d’un spécialiste des séries télévisées comme Abrams et l’on obtient un thriller d’action espionnage totalement satisfaisant voir même un des meilleurs du genre. Les épisodes suivants de la saga bien que réussis intellectualiseront beaucoup moins leur trame scénaristique au profit de l’action pur et dure et c’est bien dommage.