Il est facile de penser qu’une adaptation, de n’importe quel support soit-elle, est une chose aisée au cinéma. En effet, l’aspect vendeur est déjà fait et le marketing peut se reposer sur un nom connu plutôt que de devoir lancer la renommée d’un titre inconnu. Néanmoins, l’adaptation d’une œuvre souligne aussi la cohabitation de deux artistes : l’adapteur et l’adapté. Si les deux ne forment pas un tout complémentaire, cela peut vite créer un chaos artistique. C’est de cela que nous allons parler aujourd’hui avec Dans l’ombre de Mary .
P. L. Travers, romancière derrière Mary Poppins, se retrouve à partir pour Los Angeles afin de négocier les droits d’adaptation de son héroïne avec Walt Disney. Entre ces deux personnalités fortes, le conflit va être intense…
Lutte de personnalités
Directement, le film nous dépeint Travers et Disney comme deux personnalités que tout oppose. L’une est plus agressive et obstinée tandis que l’autre a des allures bien plus sympathiques. Pour rééquilibrer la balance empathique, John Lee Hancock utilise des flash-back afin de présenter l’enfance de Travers ainsi que les malheurs qu’elle a connus. Ceux-ci permettent une meilleure compréhension de l’ardeur dont elle fera preuve pour protéger son œuvre de ce qui représente selon elle (et encore beaucoup aujourd’hui) le cinéma commercial et lénifiant.
Ce que laisse l’artiste
Si le film se repose sur de bonnes interprétations, c’est l’intrigue et sa symbolique même qui représentent l’atout principal de Dans l’ombre de Mary . Ainsi, on oublie que tout esprit créateur, le plus commercial soit-il, repose sur la volonté d’un artiste et sur sa personnalité même. En effet, chaque personne imprègne chacun de ses gestes de sa volonté propre et il en est bien évidemment de même avec l’art. Mais quand une personne voit une œuvre, elle l’interprète selon son savoir et son expérience propre à elle, ce qui rend chaque lecture tout à fait personnelle. Il suffit de constater la multiplicité des avis sur Internet pour se rendre compte que chacun vit une œuvre à sa manière, ce dont Travers se rendra compte en discutant avec Disney et inversement. La juxtaposition de la chanson de la banque et des souvenirs de Travers résulte de ces interprétations et visions différentes dans une séquence qui en devient touchante et fait comprendre l’amour de Travers pour le personnage de monsieur Banks (le titre original en est bien plus représentatif, Saving Mr Banks ). L’art devient donc un moyen de réhabilitation des souvenirs négatifs qui nous touchent tous à un moment ou un autre et permet de s’affranchir de ceux-ci pour mieux avancer.
Dans l’ombre de Mary est donc une œuvre passionnante sur le travail compliqué d’adaptation d’une œuvre sur grand écran et sonne aussi le rappel de la place de l’humain derrière l’artiste. C’est peut-être en se rendant compte de la place personnelle d’une création dans la vie de son auteur que l’on peut se rapprocher de sa vision et retrouver l’aspect fragile et intime de l’homme ou la femme derrière l’ouvrage.