Bohemian Rhapsody, une déclaration d’amour à Freddie Mercury

Un film sur Queen et Freddie Mercury, les fans craignaient le pire avec un mélange d’admiration béate et de déification de l’icône pop, à la limite de la caricature et de l’hommage gratuit. Sans parler du choix de l’acteur Rami Malek qui ne convainquait pas autant a priori qu’un Sacha Baron Cohen initialement pressenti. Mais la magie opère bien, l’acteur devient l’illustre chanteur par la grâce d’une gestuelle hyper travaillée et d’une prothèse dentaire du meilleur effet. Les fans seront ravis, certains feront même couler une petite larme pendant la prestation finale in extenso du Live Aid de 1985 et si le playback connait parfois quelques ratés, la question demeure pourtant: qui pour reprendre les chansons de Queen à la place de Freddie? Réponse: personne, donc il faut bien se contenter de l’inévitable playback. Et puis la musique de Queen, les idées qui deviennent des chansons, les répétitions d’arrache pied, les prises de bec en studio, l’impression de partager un grand moment d’histoire de la musique moderne en compagnie des musiciens, ça fait forcément frissonner le fan hardcore. Ce Bohemian Rhapsody mélange émotion, cri du coeur et revisite d’un groupe majeur de la culture populaire, malgré les quelques maladresses d’usage. Mais ça fonctionne, même très bien, et il faut surtout le voir au cinéma pour toucher du doigt la magie produite par le groupe.

Bohemian Rhapsody

Bohemian Rhapsody

Un groupe, des prémisses jusqu’à la gloire 

Le film débute alors que Freddie se chauffe avant de monter sur la scène de Wembley en 1985 pour sa mythique prestation de 20 minutes au Live Aid. Le chanteur est vu de dos, il sautille, il s’étire et ceux qui ont regardé la vidéo 100 fois sur Youtube seront bluffés par la ressemblance avec l’original. Retour en arrière, la chanson You’re my best friend retentit et la magie opère immédiatement avec le sentiment que le film ne sera pas parfait mais fera naitre des sentiments enfouis depuis trop longtemps au fond du cœur de beaucoup. Car même si la mort de Freddie Mercury en 1991 n’a fait que peu faiblir l’aura du chanteur et du groupe, de l’eau a coulé sous les ponts depuis, des nouvelles modes sont apparues et les gouts musicaux ont évolué. Ceux qui ont connu l’avènement des années 70 (les veinards) et l’explosion des années 80 (oh oui!) avant l’annonce brutale de a disparition du chanteur verront réapparaitre devant leurs yeux un pan entier de leur histoire personnelle. Et quand le jeune pompiste mal dans sa peau à cause de ses origines indiennes mal assumées offre ses services au groupe Smile pour remplacer le chanteur partant, Brian May et Roger Taylor sautent sur l’occasion. Les expérimentations se suivent jusqu’au coup de poker de Bohemian Rhapsody. 6 minutes à une époque où les standards radio s’arrêtaient à 3 maximum, avec en plus un passage d’Opéra et des paroles nébuleuses, il fallait être Queen pour convaincre les producteurs. Gwilym Lee, Ben Hardy et Joseph Mazzelo forment les membres du groupe avec une ressemblance troublante, surtout pour le premier en Brian May. Le groupe ne recule pas devant la flamboyance exubérante du chanteur, son extravagance mais aussi sa faiblesse intrinsèque. Son manque de confiance le rend perméable aux tentations et addictions diverses même si la gloire lui fait accepter sa bisexualité jusqu’à le libérer… et le condamner. Son infection du SIDA à une époque où aucun traitement n’était disponible signe son arrêt de mort et si le film n’évite pas quelques raccourcis, il ne passe finalement pas grand chose de marquant sous silence. Ainsi, Freddie n’a pas vraiment annoncé son infection aux autres membres du groupe avant le concert de Wembley, comme il n’a pas enregistré We will Rock You avec moustache et cheveux courts. Les fans hardcore crieront au sacrilège mais c’est certainement inévitable pour créer une trame cohérente dans le film.

Bohemian Rhapsody

Bohemian Rhapsody

Le concert de Wembley en 1985, un morceau de bravoure

Le film voit l’avènement de la star, ses atermoiements, ses turpitudes aussi, sa volonté d’éclore en solo jusqu’au retour final au sein du giron familial. Les autres membres lui pardonnent son départ unilatéral et le firmament de leur carrière a lieu sur la scène du Live Aid. Pas prévus au départ, ils réussissent à s’inscrire au programme pour voler la vedette à David Bowie, Elton John, Phil Collins, U2 et consorts. Beaucoup considèrent ces 20 petites minutes comme un des meilleurs moments live de tous les temps. L’acteur Rami Malek reproduit les mouvements légendaires de Freddie Mercury pour donner aux spectateurs l’impression d’être présents dans la foule. Les bras se lèvent, les regards brillent, les appels aux dons se multiplient pendant leur prestation et l’évidence se fait jour: malgré une absence de plusieurs années, leur prestation devient instantanément mythique. Les spectateurs tapent dans les mains pendant Radio Gaga, chantent à tue tête pendant We are the champions et la salle de cinéma toute entière retentit d’une pensée unique: mais pourquoi n’étais-je pas présent dans ce stade à ce moment là? Et quand le film se finit sur ce moment d’histoire, les spectateurs ne peuvent pas ne pas être conquis. Le récit est cinématographique, la musique enchante et les acteurs y croient. Mention spéciale à Mike Myers en producteur intraitable complètement méconnaissable, Aidan Gillen prépare son après Game of Thrones et le film finit par convaincre. Oui, il était possible de rendre compte de la vie de Freddie Mercury sur grand écran et beaucoup sortiront de la salle en pensant revenir une seconde fois. Nulle gêne devant l’évocation d’une carrière météorique qui a vu le groupe conquérir le monde et vendre des millions de disques sur tous les continents. Le kitsch est voulu, Freddie devient une sorte de parodie de lui-même et après tout, c’est raccord avec son image publique, toute en exubérance non feinte. Les sentiments ne sont pas oubliés avec l’omniprésente Mary à ses côtés et ses très nombreux amants, dont les très connus Paul (le traitre) et Jim (l’ami fidèle). C’est l’histoire, et elle est quand même pas trop mal restituée sur grand écran.

Bohemian Rhapsody

Bohemian Rhapsody

En sortant de la salle, beaucoup ont entonné un morceau de Queen, Don’t Stop me now certainement ou Under Pressure. Le film n’invente rien, il est au pire un peu maladroit et inexact, mais qu’importe. La magie opère et le souvenir de Freddie Mercury luit de 1000 feux. Opération biopic réussie.