Le réalisateur Adam McKay s’est fait une spécialité des critiques acerbes contre les avanies diverses du système américain. The Big Short détricotait avec bonheur les vicissitudes du système financier à l’origine de la crise des Subprimes en 2008, Vice visait lui le système politique avec ces carriéristes sans foi ni loi. Beaucoup de réalisme dans ces 2 propositions au vitriol pleines de clairvoyance et de perspicacité, parvenant à transformer des sujets techniques en très bons divertissements intelligents. Pour Don’t Look Up, le réalisateur préfère le ton de la farce et du sarcasme pour un sujet plus improbable mais non point impossible. Et si une comète devait frapper la terre dans 6 mois, les théories complotistes s’érigeraient-elles de manière autant sans pitié que pour une épidémie actuelle jusqu’à nier la même évidence?

Une voix populi dangereuse

Les personnages principaux du film sont 2 scientifiques, de ceux dont on respectait la parole auparavant sans oser même la remettre en doute faute d’arguments tangibles. Léonardo di Caprio et Jennifer Lawrence interprètent des êtres affolés par ce qu’ils ont découvert, la vie sur terre n’en a plus que pour 6 mois. Ce principe de base devrait susciter la peur collective et l’émergence d’une solidarité planétaire pour échafauder des solutions et éviter le pire. Au lieu de ça, les levées de bouclier se multiplient pour critiquer l’évidence de l’inéluctable. Un peu comme ce qu’il se passe depuis presque 2 ans concernant la pandémie de Covid, tous les jours des gens tombent malades, parfois gravement, certains meurent, mais non, trouver des moyens pour éviter un nombre important de morts est liberticide selon certains. Ce même principe est utilisé dans le film, rien ne doit compromettre la sacro sainte liberté individuelle, même pas l’imminence de la disparition de la vie sur terre. De la présidente interprétée par Meryl Streep, à la journaliste jouée par Cate Blanchett jusqu’au conseiller présidentiel sous les traits de Jonah Hill, beaucoup cherchent surtout à tirer profit de la situation jusqu’à la caricature. Et comme les 2 protagonistes principaux ne savent pas utiliser les médias sans se tourner immanquablement en ridicule, leurs avertissements deviennent surtout contre productifs. Car Léo est un scientifique père de famille qui se voit ensevelir sous les sollicitations et JLaw est une excitée qui passe pour une sorcière. Le montage de McKay est toujours aussi dynamique et nerveux, ça fonctionnait déjà à merveille dans The Big Short, mélangeant images du quotidien et images d’actualités brulantes pour bien montrer que chacun doit se sentir concerné par le sujet du film. Sauf que si l’humour de la comédie réunissant Brad Pitt, Steve Carell, Ryan Gosling et Christian Bale sentait bon le vitriol en s’adossant à des évènements véridiques, Don’t look up tombe trop souvent dans la farce gratuite avec des personnages souvent trop ridicules pour être crédibles, même si cette facette ridicule a le bon ton de rappeler des personnages véridiques. Ce qui reste, c’est cette manipulation des médias par des fausses nouvelles et des avis gratuits, le grand spectacle est la règle pour attirer l’attention, pas les arguments scientifiques. Le brillant et le clinquant ont plus d’impact que la raison, le film le rappelle, même si chaque journée passée sur les réseaux sociaux permet de s’en rendre compte… Le grand retour de Léo au cinéma ne restera pas dans la annales avec ce rôle de quasi benêt à la limite de la sociopathie. Quant à JLaw, elle reprend un rôle où son caractère bien affirmé lui joue des tours. Meryl Streep fait une présidente incompétente très convaincante, véritable version féminine de Donald. Mark Rylance fait un clone très ressemblant d’Elon Musk, du moins dans la version qu’on peut s’en faire si on ne le connait pas bien. La galerie d’acteurs donne l’air de bien s’amuser, épaississant d’autant l’atmosphère de farce et précisant l’intention de rire avant tout, de quoi diminuer d’autant la portée du film. La critique acerbe des travers actuels passe au second plan, c’est bien dommage.

Don’t look up réunit un casting de première classe pour une critique judicieuse du cynisme ambient. C’est extrêmement divertissant, mais le film ne nécessite pas plusieurs visionnages pour en saisir la portée formelle somme toute limitée. C’est léger mais sans vraiment d’ampleur, et c’est dommage.

Synopsis: Deux piètres astronomes s’embarquent dans une gigantesque tournée médiatique pour prévenir l’humanité qu’une comète se dirige vers la Terre et s’apprête à la détruire.