Désigné Coupable montre par le menu comment un homme emprisonné sans jamais avoir été réellement inculpé peut passer 14 ans dans une prison à subir les pires tourments physiques et psychologiques. C’est ce qui est arrivé au mauritanien
Mohamedou Ould Slahi alors que les Etats-Unis, cherchant à tout prix à venger l’affront du 11 septembre, ne rechignaient pas à utiliser les moyens les plus accablants pour trouver des coupables. Le film est fort, les acteurs sont bons, un moment de cinéma assez intense par le réalisateur du film Le Dernier Roi d’Ecosse. Quand retentit la chanson The Man in me de Bob Dylan à la fin du film, c’est du pur soulagement.

Une histoire incroyable mais vraie

Tahar Rahim incarne ce personnage livré à la pratique de la torture de la part de la soi-disant plus grande démocratie du monde. Le film se veut à charge et tous les personnages s’interrogent sur l’entêtement obstiné du pays pour démontrer des choses qui n’existent pas. L’homme Mohamedou doit faire montre d’une force intérieure exceptionnelle pour ne pas sombrer dans la plus pure détresse. Surtout que les exactions perpétrées par le personnel pénitentiaire, sévices physiques, musique metal à fond les ballons, privation prolongée de sommeil, sont capables d’en achever plus d’un. Pas de répit pour un homme confronté à l’obstination forcenée d’un système destiné à l’abattre. La logique même de l’enfermement à Guantanamo est prise pour cible par le film en soulignant l’inanité d’un enfermement sans justification ni jugement, basé simplement sur la volonté de vengeance d’un pays blessé par les odieux attentats du 11 septembre. La loi du talion est la seule justification pour un pays décidé à sévir, ce qui a mené à la guerre en Irak, à la guerre en Afghanistan et au bourbier où se trouve englué le monde actuellement. Le film évoque les prémices de la situation actuelle depuis l’alliance, aujourd’hui oubliée, entre ce qui a été Al-Qaida à une époque et les Etats-Unis pour lutter contre les envahisseurs soviétiques en Afghanistan. Le paradoxe n’est pas oublié et montre bien que les intérêts géopolitiques sont fluctuants. 700 prisonniers sur l’ile cubaine ont subi le même sort que le héros, heureusement défendu par une avocate pugnace interprétée par la toujours impeccable Jodie Foster. Contre elle se trouve un Benedict Cumberbatch de plus en plus suspicieux sur les raisons qui l’amènent à vouloir faire condamner un homme enfermé sans justification autre que la vengeance.

Le film est une vraie expérience éreintante de cinéma, chacun se demande comment il se serait soi-même comporté dans de telles circonstances. De quoi flirter avec la ligne rouge de sa santé mentale. Du vrai cinéma contestataire, à ne pas manquer en salles.

Synopsis: L’histoire vraie de Mohamedou Ould Slahi, un Mauritanien que son pays a livré aux Etats-Unis alors en pleine paranoïa terroriste à la suite des attentats du 11 septembre 2001. L’homme a passé des années en prison sans inculpation ni jugement. Il a retrouvé la liberté en octobre 2016.