Phedre(s) de Wajdi Mouawad, Sarah Kane et J.M. Coetzee mise en scene de Krzysztof Warlikowski au theatre de l'odeon du 17 mars au 13 mai 2016. Avec: Isabelle Huppert, Agata Buzek, Andrzej Chyra, Alex Descas, Gael Kamilindi, Norah Krief, Rosalba Torres Guerrero. (photo by Pascal Victor/ArtComArt)

Phedre(s) de Wajdi Mouawad, Sarah Kane et J.M. Coetzee mise en scene de Krzysztof Warlikowski au theatre de l’odeon du 17 mars au 13 mai 2016.
Avec: Isabelle Huppert, Agata Buzek, Andrzej Chyra, Alex Descas, Gael Kamilindi, Norah Krief, Rosalba Torres Guerrero.
(photo by Pascal Victor/ArtComArt)

Phèdre est un mythe grec ancien, antédiluvien, mis par écrit par Euripide, repris par Sénèque et gravé dans le marbre par Racine. Des auteurs modernes en ont fait des variations  psychanalytiques et dérangeantes. Wajdi Mouawad, Sarah Kane et J.M. Coetzee se sont appropriés les personnages pour livrer des versions iconoclastes. Phèdre devient une cougar éprise de son beau-fils, quasi en rut. Isabelle Huppert la campe avec conviction, multipliant les prises de risques et faisant vibrer le texte.

Le metteur en scène Krzysztof Warlikowski adapte ces textes sur scène et dérange. SI la prestation habitée d’Isabelle Huppert ne souffre d’aucune contestation (Molière 2016 en vue?), la mise en scène et les textes divisent… qu’en penser?

Après deux représentations vues, en mars et tout récemment, force est d’admettre que la pièce a évolué. Moins sexuelle, plus somatique, viscérale, elle est devenue un pensum peu compréhensible d’expériences aux limites de la moralité. L’inceste est exposé avec force et drame, ne laissant personne indemne. Meurtres et suicides s’entremêlent dans une salle de bain géante aux robinets seuls capables de purifier ces âmes putrides.

Les textes des 3 auteurs s’enchainent sans transition, comme pour marquer leurs différences et leurs similarités? Aucune frontière entre une Phèdre midinette et la succube extravertie. 2 acteurs différents interprètent des Hippolyte interloqués par le comportement de leur belle-mère. Véritable marâtre interdite, elle bouscule les codes et enfoncent les portes de la dignité, rentrant de plein pied dans le tabou.

Thésèe semble une ombre lointaine devant la tragédie qui se joue. Mari absent, père invisible, il abandonne les siens et ne peut empêcher les crimes de se produire. Une danseuse orientalisante exhibe son corps tout du long, suscitant désir et convoitise. Elle marche, danse, fume, et ressemble à une créature diabolique. Convoitée, elle reste aussi inaccessible que devrait l’être Hippolyte pour Phèdre.

La pièce dérange, bouscule, la salle se vide à l’entracte pour un constat sans appel. Le metteur en scène ne laisse pas indifférent et frappe juste. Son intransigeance amène un air frais bienvenu sur une scène parisienne souvent convenue.

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