Habitués des comédies désopilantes, le duo Eric Toledano et Olivier Nakache propose cette fois un vrai film sérieux, sincère et important. Sur fond de prise en charge des individus les plus sérieusement handicapés, ils brossent un tableau doux amer de la France d’aujourd’hui où la bonne volonté prime pour renverser des montagnes au-delà de services publics inadaptés et incohérents. Les héros Bruno (Vincent Cassel) et Malik (Reda Kateb) dirigent des associations non agrées, n’ont aucune formation, forment sur le terrain leurs collaborateurs et réussissent là où les institutions publiques ont jeté l’éponge depuis bien longtemps: prendre en charge ceux que tout le monde oublie. Pour un résultat qui met la boule au ventre, grâce à ces handicapés qui évoluent au milieu des acteurs, sans tricher. Un vrai shoot de réalité.

Pas de mensonges

Ce qui frappe en premier, c’est l’absence de moyens financiers suffisants des deux associations que dirigent chacun les deux héros. Les bouts de ficelle et la bonne volonté sont les vrais piliers de leurs existences. Là où un état volontaire et responsable devrait mettre à disposition tous les moyens nécessaires pour aider ceux qui en ont le plus besoin, au lieu d’acheter des armes ou d’organiser des diners au caviar par exemple, Bruno et Malik se débrouillent et avancent coute que coute. En embauchant des jeunes de banlieue à qui ils enseignent la discipline et la responsabilisation, en offrant un sourire sincère à ceux qui vivent coupés de la société et en ne se plaignant jamais. Car leur tâche est immense, ils recueillent des individus sérieusement handicapés et seulement gavés de médicaments au sein d’institutions publiques qui se contentent de les murer et de les couper du monde, sans chance sérieuse d’améliorations au programme. Il suffit d’une inspection de deux inspecteurs retors du ministère de la santé pour prendre conscience de l’inanité de l’état pour assurer ses missions de service public, sans moyens suffisants ni volonté affirmée de faire quoique ce soit. Au lieu de cela, ce sont donc deux associations désargentées à qui l’état cherche des poux comme preuve de son incapacité à prendre les choses à bras le corps. Le film se regarde avec la boule au ventre, entre documentaire et fiction. Il faut se rappeler que certains des personnages sont des vraies personnes handicapées pour se souvenir de ce qu’est la différence et pourquoi il est important de ne pas les laisser sur le bas côté, car la différence est fondamentale pour échafauder un vivre ensemble et avancer dans une direction commune. C’est parce que les membres des deux associations ont pour objectif d’aider ceux qui en ont besoin que personne ne stigmatise les couleurs de peau, le port du foulard, les religions ou les origines sociales. C’est en créant un but commun que les broutilles cessent d’occuper les discussions. Un bel enseignement à l’heure actuelle, les médias devraient s’en rappeler…

Hors Normes est un film important pour ce qu’il expose sans fards, la société française préfère mettre de côté tout ce qui pourrait concourir à une société qui puisse vivre ensemble, se préoccupant plutôt d’accumulation d’argent par une petite minorité. Au lieu de cela, les crédits manquent, les institutions périclitent et les plus faibles ne sont pas considérés à leur juste valeur. SI le film pouvait créer un vrai électrochoc, il remplirait une vraie et belle mission. Un film à aller voir d’urgence, donc!