Il y a plusieurs mois, j’ai créé une note dans l’appli Notes de mon iPhone, avec une liste des plans de films qui m’ont marquée, de beaux plans, à l’esthétique soignée. Nous en avons tous au moins un exemple (La statue de Pazuzu dans L’Exorciste, la vue de Manhattan avec le pont de Brooklyn dans Il était une fois en Amérique, le derrick en feu dans There Will Be Blood, etc…).

En outre, je développe une fascination pour le poste de directeur de photographie, c’est pour ça que je considère que ça mérite tout un dossier. Cela dit, en raison de la longueur conséquente de la liste, je vais la scinder en plusieurs volumes. Et je me suis imposée une contrainte: Un plan par film. Il n’y a pas de véritable ordre, et mes appréciations se basent avant tout sur l’esthétique et le visuel des images, pas forcément sur le plus riche en grilles de lecture. Ça peut même être un plan que je trouve juste beau, sans avoir forcément à y chercher un sens.

Bon à savoir: Pour les films dont j’ai déjà eu l’occasion de parler, j’ai mis à disposition les liens de mes chroniques. Il peut s’agir ou bien d’articles sur le site de Culturaddict ou bien de mes vidéos sur ma chaîne YouTube L’Antre de la Terreur pour les films fantastiques et horrifiques. Et je pars du principe que vous avez vu les films en question.

1-Killers of the Flower Moon

Réal: Martin Scorsese – Dir. Photo: Rodrigo Prieto – 2023 – Paramount Pictures/Apple

Je n’ai aucune objectivité avec Martin Scorsese, j’aime tous ses films. Pas un seul mauvais film à mes yeux. Killers of the Flower Moon ne fait pas exception, c’est même un de mes Scorsese préférés avec À Tombeau Ouvert, Gangs of New York, Les Affranchis et The Irishman.

Le contexte n’est pas difficile, c’est le tout début du film. Après l’enterrement du calumet sous les pleurs, les Osages quittent leur tipi, expulsés de leurs terres de l’Ohio et du Mississippi, et s’installent sur une terre en friche dans l’Oklahoma. On voit une flaque de pétrole au sol. Surprise: l’or noir se met à jaillir à flots, faisant de la nation amérindienne la population la plus riche par habitant. Les Osages, en liesse, se mettent à danser autour du gisement de pétrole.

Il n’y a pas de construction complexe sujette à double interprétation dans ce plan. Il s’agit juste d’un léger panoramique vers la gauche, totalement au ralenti, avec l’horizon à l’exact milieu du cadre. C’est juste esthétiquement superbe! Les Osages qui dansent au ralenti sous une pluie de pétrole, c’est bôôôôôô! Et c’est encore mieux avec la musique de Robbie Robertson, de la guitare électrique quasi blues mélangée à des sonorités folk amérindiennes.

2-There Will Be Blood

Réal: Paul Thomas Anderson – Dir. Photo: Robert Elswitt – 2007 – Paramount Vantage/Miramax

Je continue volontairement avec les puits de pétrole, haha! Mais dans un tout autre registre. Tandis que Killers of the Flower Moon est un film sur des meurtres d’amérindiens devenus riches grâce au pétrole, There Will Be Blood est un drame sur la découverte des premiers puits de pétrole.

Dans ce passage, alors que le pétrole jaillissait, à cause d’une brutale et violente fuite de gaz, un des derricks de Daniel Plainview (Daniel Day-Lewis) prend feu et son fils, qui était sur le derrick, a été projeté en arrière à cause de la fuite et a perdu l’ouïe. Malgré l’arrêt de l’extraction, le pétrole en feu continue d’affluer, et ce jusqu’à la nuit.

Le feu du pétrole en combustion envahit la lumière, brunissant le ciel de la nuit. Les silhouettes de Daniel Plainview et de ses employés contemplent avec surprise et désespoir le derrick pris dans les flammes, les ambitions des hommes qui échappent à leur contrôle.

3-Apocalypse Now

Réal: Francis Ford Coppola – Dir. Photo: Vittorio Storaro – 1979 – United Artists/Pathé

Que ce soit le montage sorti au cinéma en 1979, le Redux ou le Final Cut, Apocalypse Now de Francis Ford Coppola est non seulement une adaptation du roman de Joseph ConradAu cœur des ténèbres“, mais surtout un chef d’œuvre du Nouvel Hollywood.

Ce plan est tout simplement le plan d’ouverture du film. Accompagnée d’un côté par le bruit ralenti des pales de l’hélice d’un hélicoptère et de l’autre par la lancinante chanson des DoorsThe End“, une paisible forêt de palmiers au Vietnam subit de plein fouet une gigantesque explosion de napalm.

Quoi de mieux pour exposer le ton et le contexte du film? En un seul plan, d’une minute et cinquante secondes, surgit sous nos yeux le chaos, imprévisible, inattendu. La violence de la guerre nous est montrée avec une certaine poésie, esthétiquement irréprochable pour le contraste entre l’explosion aux couleurs vives et chaudes orange et jaune et les quasi silhouettes de palmiers. C’est là la parfaite conjugaison du style et de la substance.

4-L’Exorciste

Réal: William Friedkin – Dir. Photo: Billy Williams – 1973 – Warner Bros

Continuellement cité et référencé, L’Exorciste de William Friedkin s’est imposé dans le paysage cinématographique comme un des plus grands films d’horreur de tous les temps avec Shining de Stanley Kubrick, Psychose d’Alfred Hitchcock, Halloween de John Carpenter et Massacre à la Tronçonneuse de Tobe Hooper. Ceux qui ont grandi dans les années 70 ont fait partie de ces enfants traumatisés par L’Exorciste après l’avoir vu soit au cinéma soit en cachette lors d’une diffusion à la télévision.

La scène d’ouverture du film montre le fameux exorciste, le père Lancaster Merrin (Max Von Sydow), sur un site de fouilles archéologiques dans un désert en Irak. Dans le désert, il fait face à une statue du démon mésopotamien Pazuzu. Regardez ce plan. Regardez-le bien.

En termes d’interprétation et de symbolique, c’est on-ne-peut-plus simple: le père Merrin est debout à droite, faisant de lui une figure presque héroïque, du bon côté, le côté droit étant associé au bien, et la statue de Pazuzu se dresse à gauche, mettant l’emphase sur son aspect démoniaque et donc malveillant, le côté gauche étant associé au mal. C’est tout simple, et pourtant si riche, si éloquent et si bien représenté. Outre le contraste de lumière, le démon et le prêtre, tous deux sur des rochers faisant office de piédestaux, se font face comme des adversaires, et surtout ils sont pratiquement à la même hauteur (Merrin est un peu plus élevé).

5-Le Roi Lion

Réal: Roger Allers & Rob Minkoff – Dir. Photo: Y en a pas – 1994 – Walt Disney Pictures

Considéré comme l’un des plus grands films d’animation de tous les temps, Le Roi Lion n’a pas volé sa réputation. C’est un parfait exemple de film TOUS PUBLICS, dans la mesure où il s’adresse à n’importe qui, aux enfants comme aux adultes. Il est accessible à tous, et en même temps il est assez complexe, proposant plusieurs axes de lecture.

Une simple vue d’un acacia sur une plaine dans la savane. Rien d’autre. On ressent l’exotisme de l’Afrique, par la présence de cet acacia gigantesque et le ciel nuageux faisant disparaître progressivement les derniers rayons du soleil, et la grandeur de la savane, par la plaine composant le paysage. Ce plan a plus d’impact dans le film avec la musique de Hans Zimmer, mais en tant que simple image, il se démarque aisément du reste du film.

6-L’exorcisme d’Emily Rose

Réal: Scott Derrickson – Dir. Photo: Tom Stern – 2005 – Columbia Pictures

Depuis le succès de L’Exorciste de William Friedkin, les exorcismes sont devenus un véritable motif dans le cinéma d’horreur. Seul L’Exorcisme d’Emily Rose tire son épingle du jeu, avec L’Exorciste III. Réalisé par Scott Derrickson, il est tiré de l’histoire vraie d’Anneliese Michel, une jeune fille allemande sur laquelle a été pratiqué une série d’exorcismes dans les années 70 et qui est morte de maladie. La raison? Ce qui était pris pour une possession démoniaque par ses parents et le curé de sa paroisse était en réalité une série de troubles physiques et mentaux.

Scott Derrickson transpose l’affaire aux États-Unis de nos jours et s’intéresse à la partie judiciaire. En effet, les parents et le prêtre ont été mis en examen et condamnés.

Le film en lui-même n’est pas ce qu’il y a de plus intéressant, en revanche il possède un plan particulier, un plan fascinant montrant la fameuse Emily Rose (Jennifer Carpenter), errant dehors dans le brouillard près d’un arbre mort biscornu. Ce plan me fascine, en partie parce qu’il a servi pour l’affiche du film. Ressentez-vous cette empreinte mystique, cette atmosphère étrange, hors du temps?

Un plan bien construit, contemplatif et onirique comme celui-là, j’en redemande, dans un film d’horreur.

7-Alien, le Huitième Passager

Réal: Ridley Scott – Dir. Photo: Derek Vanlint – 1979 – 20th Century Fox

Il fut un temps où Ridley Scott était un grand réalisateur, capable d’accoucher de classiques et de références pour le cinéma moderne. En 1979, alors qu’il était auréolé du succès des Duellistes, il s’associe avec Dan O’Bannon et Hans Ruedi Giger, sortis de la production avortée de Dune d’Alejandro Jodorowsky. En découle Alien, un grand film d’horreur, un film glaçant à l’esthétique avant-gardiste.

Si le xénomorphe, le monstre emblématique du film, est fascinant, la planète dont il est en partie originaire, LV-426, l’est encore plus. La planète en question baigne dans une fumée bleuâtre spectrale au cœur d’un environnement principalement rocheux, hostile et nocturne. Le vaisseau mystérieux, échoué au beau milieu de LV-426, renforce le mystère. On ne sait d’où il vient, ni qui sont ses occupants (Ne me parlez pas des Ingénieurs, je ne peux reconnaître l’existence de Prometheus comme partie intégrante du lore d’Alien). La forme du vaisseau est elle-même étrange, aussi étrange que la planète qui l’abrite. Même le Millenium Condor de La Guerre des Étoiles a une forme moins plus convenue pour un vaisseau spatial. C’est juste hypnotisant.

8-Mississippi Burning

Réal: Alan Parker – Dir. Photo: Peter Biziou – 1989 – Orion Pictures/Metro-Goldwyn-Mayer

Véritable trésor cinématographique, Mississippi Burning d’Alan Parker regorge de plans et de séquences riches de sens (Il se trouve d’ailleurs que les séquences d’ouverture et de conclusion du film ont été l’objet de mon épreuve de candidature pour mon master en cinéma). J’ai hésité entre plusieurs plans (Les fontaines à eau, l’église en feu, les choristes chantant Walk On By Faith, la tombe dégradée), mais c’est celui-là qui a ma préférence, autant sur le plan esthétique que sur ce qu’il raconte.

Pour vous restituer le contexte de la séquence, les agents Rupert Anderson (Gene Hackman) et Alan Ward (Willem Dafoe), dépêchés par le FBI pour enquêter sur les meurtres de trois militants des droits civiques dans l’état du Mississippi par des membres du Ku Klux Klan, viennent d’arriver dans la bourgade de Jessup. Près de leur hôtel, Ward et Anderson aperçoivent une croix en feu, signe de la présence du Klan.

La construction du plan expose le ton et l’univers du film et introduit la menace qui pèse dans l’ombre. En premier lieu, le plan est en contre-plongée et en angle néerlandais. Ward et Anderson sont en bas à droite, regardant la croix enflammée imposante. Habituellement, l’angle néerlandais montre la folie d’un personnage. Ici, il offre un aspect presque fantasque à l’atmosphère moite et étouffante du Mississippi et rend la croix en feu plus menaçante, tandis que les deux agents fédéraux sont en petit.

Les croix en feu étaient perçues par les afro-américains et leurs soutiens comme le signe d’un danger. Ce n’est pas seulement le Klan, mais en fait tout le Mississippi qui met en garde Ward et Anderson et les menace, comme s’ils étaient des étrangers dont la présence n’est pas voulue.

9-Angel Heart

Réal: Alan Parker – Dir. Photo: Michael Seresin – 1987 – Studiocanal

Un an avant Mississippi Burning, Alan Parker explorait déjà les obscurs et fantastiques recoins du Sud des États-Unis, cette fois-ci en Louisiane. Pour son premier film d’épouvante, il est arrivé à proposer une pépite du cinéma de genre, portée par Mickey Rourke, Robert De Niro et Lisa Bonet.

On a juste Harry Angel (Mickey Rourke) dans un ascenseur au cœur d’un étrange immeuble en pleine nuit. Avec le jeu d’ombres et de contrastes, surdimensionnant l’ombre d’Angel par rapport à la silhouette du détective en contre-plongée, et l’angle de la caméra, sans prendre en compte le contexte, l’image donne une sensation d’irréel, comme si elle était en noir et blanc avec cette lumière neutre et blanchâtre alors que le film est en couleurs, comme figée dans le temps, comme si Harry Angel était dans un autre monde, une autre réalité. Nous le savons, il descend vers l’Enfer.

10-Dracula

Réal: Francis Ford Coppola – Dir. Photo: Michael Ballhaus – 1992 – Columbia Pictures

Chef-d’œuvre. Je ne veux rien savoir. Entre références intelligemment insérées jusque dans sa conception (Gustav Klimt, La Belle et la Bête de Jean Cocteau, Georges Méliès, l’expressionnisme allemand, les frères Lumière, etc.), scénario à la fois fidèle et libre et atmosphère gothique unique, Dracula de Francis Ford Coppola est une excellente réinvention de son personnage et de son mythe.

J’avais 12 ans quand j’ai vu pour la première fois le prologue du film, l’image du sang coulant à flots de la croix, des bougies et des statues de chérubins dans la chapelle ne m’a jamais quittée. Pas besoin de chercher vingt-mille significations dans ce plan, voir la croix au centre du cadre et Vlad Tepes (Gary Oldman) regardant la dépouille de sa bien-aimée Elizabeta (Winona Ryder) et le sang coulant à flots, on dirait un tableau!

11-Lawrence d’Arabie

Réal: David Lean – Dir. Photo: Freddie Young – 1962 – Columbia Pictures

Un des plus grands films de tous les temps! Le thème d’ouverture iconique par Maurice Jarre est ce qu’il y a de plus évocateur. Il vous suffit d’entendre les premiers battements de tambour au début et ça y est, vous voyez déjà Peter O’Toole avec Omar Sharif au cœur du désert arabe.

Le plan que je voulais traiter est introuvable en simple image sur le net, donc je me rabats sur un autre, mais qui demeure joli et intéressant à analyser. On voit donc Thomas Edward Lawrence (Peter O’Toole) avec, je suppose, Aouda Ibu Tayi (Anthony Quinn), à dos de chameaux dans le désert. On les voit en tout petit au milieu d’un gigantesque désert, entre deux versants de montagnes. Le thème sous-jacent du film est l’implacabilité du désert, surtout avec les étrangers, dans la mesure où le personnage de T.E. Lawrence, un officier britannique, commence à devenir plus local que les locaux. Comme le dit François Theurel dans un de ses Camera Obscura: « Le désert, beau mais implacable, remet toujours à leur place ceux qui n’y ont pas la leur. » Lawrence et son compère sont peut-être minuscules au milieu d’un environnement tellement large qu’on s’y perdrait, mais ils sont au milieu, déterminés et sûrs d’eux, surtout Lawrence. Pas besoin de chercher des double-sens, c’est assez simple et éloquent.

12-Blade Runner

Réal: Ridley Scott – Dir. Photo: Jordan Cronenweth & Steven Poster – 1982 – Warner Bros

Après le triomphe d’Alien: Le huitième passager, Ridley Scott est embauché par Dino DeLaurentiis pour la réalisation d’une adaptation du chef-d’œuvre littéraire de science-fiction Dune, de Frank Herbert, mais il se voit contraint d’abandonner le navire lorsqu’il apprend le décès de son grand frère Frank (Sachant qu’il perdra trente-deux ans plus tard son petit frère, le maître du film d’action Tony Scott, je ne peux qu’avoir encore plus d’empathie pour Ridley).

Alors que c’est David Lynch qui se colle à Dune, Ridley Scott, lui, se tourne vers un autre projet, moins ambitieux (Et pourtant!), une pierre angulaire du cinéma de science-fiction et du cinéma moderne, Blade Runner. Malgré un accueil critique mitigé voire froid et un résultat décevant au box-office, rentrant à peine dans ses frais, le film est aujourd’hui une référence de taille dans le cinéma, à juste titre.

Regardez ce panorama du Los Angeles de 2019. La ville était déjà assez grande en 1982, mais là, c’est renversant. Des lumières à perte de vue jusqu’à l’horizon et même au-delà, la pollution lumineuse illustrée par la couche de brun dans le ciel nocturne, des immeubles gigantesques, ce plan est lourd de sens et en dit déjà beaucoup sur l’état du futur.

13-Blade Runner 2049

Réal: Denis Villeneuve – Dir. Photo: Roger Deakins – 2017 – Columbia Pictures

Attendu de pied ferme par les fans du chef-d’œuvre de Ridley Scott et du réalisateur Denis Villeneuve, Blade Runner 2049, hélas, ne lui arrive pas du tout à la cheville. Désavantagé par son récit creux qui se veut une prolongation du film original, mais sans originalité, le film est à peine sauvé par sa direction artistique, pour le moins irréprochable.

Cette vue du gigantesque bâtiment de la Wallace Corporation, successeur de Tyrell Corporation, donne le ton sur l’organisation et ce qu’elle représente. Le gigantisme des trois grandes tours jumelées aux deux pyramides (Tout le monde aura reconnu les bâtiments de Tyrell Corporation), toutes plus grandes que les immeubles de Los Angeles, donne presque une sensation de vertige à l’envers, on ne voit pas le sommet des trois tours. On comprend que Wallace Corporation détient la métropole tentaculaire et les colonies évoquées dans le premier opus (Notamment aussi par la mention “Earth headquarters (Quartier général Terrien), conférant donc à l’entreprise une influence dépassant l’imagination). Le ciel nocturne nuageux et brumeux est peu équivoque quant à la représentation de la compagnie et de son patron, Neander Wallace (Jared Leto).

14-Les Filles du Docteur March

Réal: Greta Gerwig – Dir. Photo: Yorick Le Saux – 2019 – Columbia Pictures

Dernière adaptation en date du classique littéraire de Louisa May Alcott, Les Filles du Docteur March s’impose comme mon adaptation préférée du roman, réalisée par une de mes réalisatrices préférée, Greta Gerwig, avec mon itération préférée de Jo March en la personne de mon actrice préférée, Saoirse Ronan, et un de mes films préférés.

Dans ce passage, Noël approche et les quatre sœurs, Jo (Saoirse Ronan), Meg (Emma Watson), Amy (Florence Pugh) et Beth (Eliza Scanlen), regardent le paysage ensoleillé et enneigé par la fenêtre.

Meg, l’aînée, est plus en retrait par rapport à ses trois sœurs et son regard est neutre, parce qu’elle est la plus sage, et, dans la mesure où elle n’a aucune ambition artistique, la moins intéressante des quatre filles (et aussi parce qu’Emma Watson n’est pas une très très bonne actrice). Jo, elle, est tout devant, et son regard est plus lumineux et vif que les autres. Ce n’est pas un scoop, Jo est l’héroïne du roman, elle est vive d’esprit, ambitieuse, intrépide, et le jeu de Saoirse Ronan retranscrit la psyché du personnage à merveille. Beth, elle, est en-dessous de Jo. Elle est la plus fragile des quatre, c’est Jo qui prend le plus soin d’elle, et c’est elle qui finit emportée par la scarlatine. Et enfin Amy est au milieu. Étant la benjamine, elle jalouse Jo et aspire à l’atteindre, ce qui explique qu’on la voie presque à hauteur de sa grande sœur dans le cadre.

15-Doctor Strange in the Multiverse of Madness

Réal: Sam Raimi – Dir. Photo: John Mathieson – 2022 – Marvel Studios

Oui, il y a bien un Marvel dans ce dossier. Sorti en avril 2022, il s’agit du tout dernier film du MCU que j’ai vraiment apprécié.

Dans ce passage, Wanda Maximoff a parachuté Stephen Strange (Benedict Cumberbatch) et Christine Palmer (Rachel McAdams) dans une réalité abandonnée. Après avoir vu l’Empire State Building et l’Oldsmobile Delta 88 emblématique de Sam Raimi, Strange et Christine passent devant le pont de Brooklyn.

La construction de ce plan n’a rien de complexe, et ce n’est pas la complexité d’un plan qui le rend beau, mais elle reste intéressante. La grosse branche morte et enneigée à gauche se superpose presque aux cordages du pont de Brooklyn, tandis que Strange et Christine sont en-dessous. Mais ce n’est pas ça qui a retenu mon attention. Depuis mon premier visionnage du film au cinéma, j’ai été happée par la position du pont de Brooklyn, plus précisément l’arche, qui est inclinée et étrangement près de la berge. On croirait voir deux yeux qui scrutent Strange et Christine. J’ai conscience que c’est plus de la paréidolie qu’autre chose et qu’une interprétation comme celle-là est très facile, mais dans la mesure où les deux protagonistes sont isolés et dans une réalité éloignée des leurs, le tout dans un film avec de grosses teintes de fantastique et d’horreur, c’est une trouvaille pertinente.

16-SOS Fantômes 2

Réal: Ivan Reitman – Dir. Photo: Michael Chapman – 1989 – Columbia Pictures

Contrairement au film original qui est un classique culte, SOS Fantômes 2 n’a pas du tout la même considération. Pourtant, il est selon moi supérieur au premier. Vigo des Carpathes est un antagoniste bien plus effrayant et menaçant que Gozer, le slime est une menace inquiétante et constitue presque un personnage à part entière en tant qu’entité et les chansons sont meilleures.

Qui a dit que c’était fini? Le film surpasse le premier grâce à sa direction artistique gothico-baroque plus aboutie que dans le premier film (Grâce à Bo Welch, habitué de Tim Burton et Barry Sonnenfeld) et sa photographie plus ambitieuse. Le directeur de photographie de SOS Fantômes 2 n’est autre que le regretté Michael Chapman, dont les précédents travaux comptent ni plus ni moins que Taxi Driver et Raging Bull de Martin Scorsese.

Le premier film avait John DeCuir, directeur artistique du Cléopâtre de Joseph L. Makiewicz et László Kovács, directeur photo des classiques du Nouvel Hollywood Easy Rider de Dennis Hopper et New York, New York de Martin Scorsese. Des pointures. Ne leur en déplaise, Bo Welch et Michael Chapman octroient plus d’identité à SOS Fantômes.

Dans ce passage, Peter Venkman (Bill Murray), Ray Stantz (Dan Aykroyd) et Egon Spengler (Harold Ramis), ont été condamnés par le juge Stephen Wexler (Harris Yulin) pour avoir enfreint leur ordre de contrainte judiciaire et provoqué un gigantesque black-out dans tout Manhattan. Le procès est interrompu par l’intrusion des frères Scoleri, les fantômes de deux frères que le juge avait condamnés à mort. Le duo de fantômes sème la pagaille au tribunal, conduisant le juge à acquitter les casseurs de fantômes et à les laisser reprendre du service.

La construction de ce plan est surprenante pour une comédie grand public. Le cadrage symétrique de la pièce, ça ne court pas les rues dans le cinéma de genre, encore moins une comédie. La vue en contre-plongée met en valeur les casseurs de fantômes (Sauf Egon, qui est agenouillé et baissé). C’est classe, voilà.

17-Lost Highway

Réal: David Lynch – Dir. Photo: Peter Deming – 1997 – Ciby 2000/TF1 Vidéo

David Lynch, c’est du gros morceau. Il est très difficile d’interpréter ses films ou les épisodes de sa série culte Twin Peaks, tant son univers est hors du commun, halluciné, tordu, dérangeant, parfois terrifiant. Il serait même impossible de résumer un film comme Eraserhead, Mulholland Drive, et celui dont je parle, Lost Highway.

Ce plan de maison perdue en plein incendie est aussi fascinant qu’il est bizarre et irréel, voire cauchemardesque. La maison, perdue et isolée dans la nuit au cœur d’un terrain plat et vide, par son aspect rustique et plus proche d’une maison au bord de la mer ou de l’océan que d’un pavillon résidentiel ou une maison de campagne, apporte déjà une dimension insolite et onirique (Une maison de cet acabit au milieu de nulle part, ça ne court pas les rues). Ensuite, la maison est en feu. Mais le plus bizarre: le plan est en marche arrière.

Le spectateur lambda est totalement à la place de Bill Pullman dans le film, la confusion est totale, confusion qui peut virer à la peur. Même moi, qui suis une énorme fan de David Lynch, je n’arrive pas à lui trouver d’interprétation ou de sens. Lynch fait dans l’expérimental, le but n’est pas forcément de trouver un double-sens, ses films sont des représentations de rêves.

18-Shining

Réal: Stanley Kubrick – Dir. Photo: John Alcott – 1980 – Warner Bros

Le cinéma de Stanley Kubrick est une mine d’or en plans riches de sens. Kubrick est très perfectionniste, il ne laisse rien au hasard. Shining est sans aucun doute son film le plus maîtrisé avec 2001: L’Odyssée de l’Espace. Sa mise en scène est millimétrée, cadrant symétriquement ses plans, rendant les pièces et couloirs de l’hôtel Overlook oppressants. J’ai hésité entre plusieurs plans (La chambre 237, l’ascenseur qui déverse une mare de sang, l’entretien avec Stuart Ullman, etc.), j’ai donc dû faire un choix, celui où Jack Torrance (Jack Nicholson) sous-entend à Wendy (Shelley Duvall) qu’il les a piégés, elle et Danny (Danny Lloyd).

Ce plan précis met l’emphase sur la folie de Jack. La symétrie de la porte rend le décor étouffant et titille la claustrophobie sous-jacente du spectateur (On en a tous un petit peu, même si ce n’est pas notre phobie), la vue de dessous déforme presque le visage de Jack et la position de ses mains sur la porte et la poignée accentuent son caractère impulsif et impitoyable.

19-Barton Fink

Réal: Joel & Ethan Coen – Dir. Photo: Roger Deakins – 1991 – Universal Pictures

Les frères Coen sont des cinéastes très versatiles. Thriller, comédie, drame, romantique, western, drame, Neo-noir, film de gangsters, ils ont presque tout fait! Manque juste la SF et l’épouvante! Enfin, en tant que réalisateurs, parce qu’ils ont démarré leur carrière comme monteurs, et pas avec n’importe quel film: Evil Dead, de Sam Raimi. Et encore, en tant que réals, pas sûr qu’il n’aient jamais touché à l’horreur.

Barton Fink est peut-être leur film le plus intéressant, et mon préféré ex-æquo avec The Big Lebowski. Totalement inclassable, il mélange plusieurs genres. Est-ce de l’épouvante, une comédie noire, un thriller, un drame? Tout ça à la fois, et c’est ça qui le rend passionnant.

L’hôtel à Los Angeles dans lequel descend Barton Fink (John Turturro) donne une idée de l’univers tordu dans lequel Barton s’aventure. Après l’ascenseur dans lequel l’employé répète trois fois le chiffre 6, le dramaturge new-yorkais arpente le couloir qui le mène à sa chambre.

L’hôtel est une métaphore de l’Enfer, et Hollywood aussi, par extension. De par son architecture et sa décoration d’intérieur (notamment les voûtes en bois au plafond et les luminaires sur les murs), le couloir semble sans fin. On retrouve, d’une certaine façon, un aspect oppressant et claustrophobe proche de Shining.

20-Ben-Hur

Réal: William Wyler – Dir. Photo: Robert L. Sturtees – 1959 – Metro-Goldwyn-Mayer

Ce plan-là est des plus mystiques, et sans aucun doute dans mon top 5 des plus beaux plans, autant visuellement que symboliquement, de toute l’histoire du cinéma.

Dans cette séquence, un groupe d’esclaves assoiffés (dont Ben-Hur fait partie) mené par des soldats romains s’arrête dans un village en Judée. Des villageois accourent pour donner de l’eau aux esclaves mais se font repousser par les Romains qui en réclament la priorité. Un charpentier dont on ne voit ni le visage ni le buste sort de son atelier, s’approche de Ben-Hur (Charlton Heston) et lui donne généreusement de l’eau, au mépris des ordres des Romains. Un centurion interpelle l’inconnu pour lui dire d’arrêter. L’inconnu (on ne voit jamais son visage) se tourne vers le centurion, qui recule, impressionné par l’homme aux cheveux longs qui se tient face à lui. Même Ben-Hur regarde longuement l’homme, fasciné.

Nous l’avons tous compris, il s’agit de Jésus-Christ.

Étant croyante, je n’ai aucun problème avec la représentation des grandes figures bibliques au cinéma (À condition de le faire décemment), mais le fait de ne montrer le Christ que de dos, donc sans révéler son visage, est une idée de génie. Ne pas montrer le visage du Christ accentue son caractère fascinant et lui confère une aura divine.

À suivre…